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« Le monde manque-t-il d’énergie? Non! »

La conséquence majeure de l’attaque russe sur l’économie concernera le coût de l’énergie et l’inflation qui pèseront sur la politique, confirme Etienne de Callataÿ, chief economist d’Orcadia Asset Management.

Que doit-on craindre après l’attaque russe?

La grande difficulté est évidemment de connaître la suite des événements. Mais en l’état, l’Ukraine en tant que telle est anecdotique à l’échelle de l’économie mondiale. Elle n’est plus le grenier à blé qu’elle fut d’antan. Si elle venait à disparaître de la planète économique, cela ne changerait pas le PIB mondial. D’autant que la Russie a déjà mis la main basse sur sa région la plus riche: le Donbass. Quant à la dimension russe, si l’on ne tient pas compte de l’énergie, nos relations commerciales sont limitées. Exprimé de façon caricaturale: on peut continuer à vivre sans vendre des pommes et des poires à la Russie, ce sont des secteurs qui ont déjà été affectés et qui pourraient être aidés – ce n’est pas de la dimension de la crise du Covid. A un échelon plus global, la Russie a un PIB comparable à celui de l’Espagne. Ce n’est pas non plus un pays où ont lieu des productions vitales pour nos économies. Ce n’est pas la Chine: ce serait bien plus préoccupant s’il y avait un problème avec Taiwan, il y a un monde de différence entre les deux.

L’effet à ne pas négliger: l’influence de la hausse du coût de l’énergie sur la cohésion sociale de nos pays.

Nous sommes, par contre, dépendants sur le plan de l’énergie, non?

Là, c’est un vrai problème. Toute la question est de savoir où nous pourrons trouver de l’énergie ailleurs. De ce point de vue là, on est dans le flou, même si cette crise a été en partie anticipée. Pour parler du pétrole, dont le cours a augmenté, on trouvera sans doute le moyen de faire en sorte que certains pays produisent plus. L’ Arabe saoudite, par exemple, a tout intérêt à vendre son pétrole à cent dollars plutôt qu’à quarante et à emmagasiner des réserves, sachant que la transition énergétique est un problème à venir. Le monde manque-t-il d’énergie? Non! A long terme, la réponse se situe dans les énergies renouvelables. A court terme, les producteurs pétroliers et gaziers ont été mis sous pression avec la transition énergétique, qui n’était pas de nature à leur faire augmenter la production. Le nucléaire pose également des questions, avec la Russie productrice d’uranium. Le danger ces prochaines semaines et mois, c’est effectivement le coût de l’énergie, son impact sur l’inflation et les taux d’intérêt. Il y a un effet supplémentaire que je ne néglige pas, c’est l’influence de cette hausse du coût de l’énergie sur la cohésion sociale de nos pays. Les citoyens se scandalisent de l’énergie chère, davantage que de la hausse du prix de l’immobilier, par exemple. Couper la Russie de Swift, le réseau de messagerie interbancaire mondial, pourrait avoir un effet dissuasif, mais c’est un instrument que l’on ne peut utiliser qu’une seule fois, il s’agit de bien déterminer le moment où l’on utilisera cette arme. La Russie s’est préparée à cela et cela ne lui fera mal qu’un temps, cela l’incitera par ailleurs à développer un système alternatif. J’ai toutefois la faiblesse de penser qu’au-delà de l’émotion légitime du moment, on ne fera pas plus grand cas de l’Ukraine aujourd’hui qu’on ne l’avait fait au moment de la chute du Rideau de fer.

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