Le miroir aux alouettes des travailleurs intérimaires

Le précompte professionnel légal très bas (11 %) du secteur de l’intérim se transforme parfois, deux ans plus tard, en cauchemar fiscal pour de (jeunes) travailleurs intérimaires. Le secteur lui-même affirme vouloir la fin de cet archaïsme.

Pour la plupart frais émoulus sur le marché du travail, ils ont l’impression de toucher un salaire net relativement confortable et se lancent dans des dépenses ou crédits qu’ils ne peuvent plus rembourser, deux ans plus tard, lorsque arrive leur régularisation fiscale.  » Ils « , ce sont ces travailleurs intérimaires, plutôt jeunes (50 % des intérimaires ont moins de 30 ans) qui se laissent piéger par un précompte professionnel légal à seulement 11,11 %, alors que l’impôt réel dépassera, dans la plupart des cas, les 30 %. Combien sont-ils ? Le Service public fédéral finances n’a pas pu nous fournir de précision mais cette minorité parmi les quelque 350 000 travailleurs intérimaires (hors étudiants) en Belgique est bien connue du fisc pour ses demandes d’échelonnement de paiement. Cette correction fiscale est souvent la goutte qui fait déborder le vase, quand on sait que le montant moyen des dettes  » publiques  » (impôts et taxes, soins de santé, etc.) est passé de 2 300 à 2 800 euros en sept ans, selon l’Observatoire du crédit et de l’endettement.

Un devoir d’information

Les syndicats autant que Federgon, la fédération du secteur intérimaire, se disent bien conscients de la problématique, qui  » fait débat  » depuis plusieurs années. Tous reconnaissent que la loi qui fixe ce précompte professionnel est obsolète. Elle remonte à vingt ans, lorsque les missions d’intérim étaient souvent très courtes et qu’un prélèvement à la source minimum suffisait dans la plupart des cas. Mais, jusqu’ici, les partenaires sociaux n’ont pas encore réussi à accorder leurs violons ni à trouver un relais auprès du monde politique. D’aucuns évoquent la complexité juridique du dossier. Le secteur de l’intérim est en tout cas très prompt à réfuter l’argument selon lequel ce précompte légal servirait son attractivité.  » Ce serait faire preuve d’un « court-termisme » regrettable. Notre intérêt, c’est avant tout d’éviter des problèmes à nos travailleurs « , affirme Sébastien Delfosse, porte-parole de Federgon.

Depuis 2001, une convention sectorielle impose un devoir d’information et de transparence aux entreprises d’intérim. Et des poids lourds de l’intérim nous confirment avoir pris les dispositions nécessaires pour éviter des déboires fiscaux à leurs travailleurs. Manpower utilise par exemple depuis plusieurs années un outil informatique qui préconise par défaut un précompte adapté à la situation familiale et aux revenus de l’intérimaire. Le travailleur qui souhaite malgré tout n’être précompté qu’à 11 % doit même signer un document en ce sens, précise Manpower. Rand-stad se montre tout aussi précautionneux, en appliquant  » globalement  » un précompte professionnel barémique. Cette pratique se serait d’ailleurs généralisée à l’ensemble des acteurs. Toujours est-il que, visiblement, dans la masse des intérimaires, il y en a toujours un certain nombre qui, consciemment ou non, se font piéger.

Les partenaires sociaux, actuellement en pleine négociation sectorielle, ont bon espoir de trouver une solution à la fin de ce mois pour en finir avec cet archaïsme. Une première étape pourrait être de relever le précompte minimum à 18 ou 20 %. A suivre.

OLIVIER FABES

Les poids lourds de l’intérim ont déjà pris des mesures pour éviter les déboires fiscaux à leurs travailleurs

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