Le meilleur des hommes en noir

Alexandre Charlier
Alexandre Charlier Journaliste sportif

Jérôme Efong Nzolo, le premier arbitre  » black  » de la Division 1 belge de football, est aussi le meilleur arbitre de la saison 2006-2007. Un itinéraire chargé d’émotion.

Des larmes de joie, certes, mais des larmes tout de même.  » Nzolo !  » annonce sèchement Sergio Conceição, capitaine du Standard et pas forcément le meilleur ami des arbitres. Le Gabonais,  » Jérôme  » pour les intimes, en perd son éternel sourire. Oui, ce dimanche 20 mai 2007, au casino de Spa, il a été élu meilleur arbitre de l’élite belge à l’occasion de la Soirée de gala du footballeur professionnel. Surprise et tremblements. Jérôme Efong Nzolo est submergé par un trop-plein d’émotion. Il perle. Il parle aussi.  » Etre choisi pour ma première saison en Division 1, c’est une grande surprise et un honneur. D’autant que je devance MM. De Bleeckere et Allaerts, les nos 1 et 2 de la corporation…  »

Ainsi donc la belle histoire se poursuit pour le premier  » referee  » black de l’élite. Tout lui sourit, en fait, ces derniers mois puisque, outre sa fulgurante ascension au firmament de l’arbitrage belge, sa chère et tendre lui a offert, en début d’année, une adorable Lilah. Mais le visage invariablement illuminé de Jérôme Nzolo masque aussi des zones d’ombre : quelques blessures et une humilité devant les  » choses  » de la vie. Parachuté au Pays noir dans le cadre d’une bourse pour parfaire ses études d’électromécanicien, Jérôme, du haut de ses 20 printemps, n’a pas toujours trouvé comique le Marsupilami qu’il apercevait depuis le 12e étage de son immeuble. Prostré dans sa piaule, des couches de couverture ne pouvaient réchauffer son c£ur. Le jeune homme s’accroche, car il serait honteux de revenir au pays la tête basse. Son père, un homme respecté avec ses quelque 7 femmes et 23 enfants,  » au dernier recensement « , lui dit de s’accrocher. Et il tient bon. Après ses cours, il joue au foot, en Promotion 3 à Lodelinsart, histoire de patienter avant la prochaine session de formation pour devenir arbitre. Mélange de passion et de raison. Pas maladroit du tout balle au pied, notre homme a été victime d’une vilaine fracture à la jambe et a bifurqué, sur les conseils d’un sage, vers l’arbitrage. C’est ainsi qu’à 21 printemps à peine Monsieur Efong Nzolo dirigeait la finale de la Coupe du Gabon devant 40 000 personnes !

Au moment où le spleen semble vouloir l’arracher à Charleroi, un événement le bouleverse : le décès de sa s£ur jumelle. Son chagrin est immense. Il pleure sur sa tombe et découvre aussi une correspondance jamais envoyée dans laquelle feu sa frangine l’implore de réussir ses études, là-bas, très loin, en Belgique…

Jérôme, homme d’honneur, ne peut la décevoir. Outre des études qui le voient s’intéresser au secteur social, il gravit tranquillement les échelons dans le milieu de l’arbitrage : les jeunes, 5 saisons en Provinciale, la Promotion, la D3, D2, puis la D1. Une grande première fortement médiatisée, au Stade Machtens de Molenbeek, le 28 janvier 2006, à l’occasion du match FC Brussels-Lokeren. Une réussite. Pluie de félicitations, dont celle du président de l’Union belge de l’époque, Jan Peeters.

Directement, le grand public découvre le style Nzolo : la communication. Son sourire confondant l’aide, parfois, à faire passer l’une ou l’autre appréciation de jeu… disons  » douteuse « . Jérôme n’ignore pas la couleur de sa peau et accepte volontiers son rôle de porte-drapeau. Il est le symbole de la tolérance. Particulièrement bienvenue dans des stades où la bière se mélange parfois à la haine, à l’imbécillité et au racisme. Jérôme a ainsi participé à la récente campagne antiracisme lancée par l’Union belge, au même titre que Mbo Mpenza et qu’un certain… Sergio Conceição. Le foot n’est certainement pas tout dans la vie du Gabonais. Ce dernier est en effet éducateur dans un centre d’accueil pour jeunes en difficulté, à Forest. Ses responsabilités lui imposent un sens aigu de psychologie appliquée… et des nuits blanches. Cela aide à relativiser les choses quand des faits  » graves  » semblent se passer sur un terrain de foot.  » Si j’ai été à ce point bouleversé dimanche à Spa, c’est parce que j’ai pensé à ma petite s£ur. Ecrivez que je lui dédie le trophée !  »

Alexandre Charlier

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