Le grotesque réinventé

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Entre le mort et le vif, le plein et le creux, le drôle et le terrible, György Palfi signe avec Taxidermia un film aussi bizarre que visuellement brillant.

Si l’idée d’assister à un concours de gros mangeurs vomissant entre chaque manche de l’épreuve vous répugne, n’allez pas voir Taxidermia. Si la perspective de voir un empailleur se prendre lui-même pour sujet, à l’aide d’une machine, vous donne de désagréables frissons, évitez les salles qui programmeront le film de György Palfi. Mais si la séquence du restaurant du Sens de la vie des Monty Python (1) vous a plongé dans l’hilarité, si les délires organiques de Peter Greenaway dans Le Cuisinier, le voleur, sa femme, son amant vous ont captivé, risquez-vous donc au spectacle bizarre, provocateur et stylé du jeune réalisateur hongrois.

C’est l’histoire d’une famille, ou presque… Empruntant la structure de la saga familiale chère au romancier allemand Thomas Mann ( Les Buddenbrooks), Palfi évoque  » trois générations, trois époques, trois mondes différents « , prenant pour point de départ deux nouvelles de l’écrivain hongrois Lajos Parti Nagy. Un père officier dans l’armée, un fils champion sportif (d’un sport assez particulier), un petit-fils taxidermiste : chacun poursuit une obsession – dans l’ordre : le sexe, le succès, l’immortalité – et le fait de manière énorme, grotesque, haute en couleur.  » J’avais envie d’images fortes, dérangeantes, déformant la réalité, bousculant le specta-teur « , déclare un György Palfi qui sait à quel point choquer, même gratuitement, peut faire connaître et même reconnaître un artiste. Ce n’est pas pour rien qu’il cite Gunther von Hagens, le créateur allemand de la  » plastination  » ou recyclage de vrais cadavres en £uvres d’exposition, parmi ses plus grandes influences.  » J’ai foi dans un cinéma organique, où le corps est au centre des choses « , commente le cinéaste hongrois, auquel on pourra sans doute faire le reproche de se montrer plus malin (et opportuniste) que réellement habité par les images qu’il aligne entre comique et horreur, en visant l’effet maximal. Mais les qualités formelles indéniables de sa mise en scène et la fulgurance de certaines scènes dignes des grands surréalistes font de Taxidermia une expérience cinématographique mémorable, où s’exprime une dialectique du plein et du creux (l’homme se remplit puis se vide) du mort et du vif, non dénuée parfois d’une certaine pertinence.

(1) Pour rappel, un client obèse ayant fait bombance dans un restaurant huppé y vomit sur le personnel avant d’exploser littéralement, offrant une image halluci-nante, ciblant de saisissante manière la société de (sur)consommation.

Louis Danvers

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