Le FMI regarde ailleurs

Après DSK, voici Christine Lagarde inquiétée par la justice. Mais l’institution se veut sereine, plus préoccupée par la crise mondiale que par l’affaire Tapie.

La journée aurait pu rester légère comme une robe d’été, simplement marquée par l’entrée de la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) dans le très prestigieux classement de Vanity Fair des personnalités les mieux habillées au monde. Mais la justice française et les marchés financiers en ont décidé autrement. Alors même que la crise de la dette souveraine prend un tournant dramatique devant les craintes d’une nouvelle récession économique ( voir page 26), Christine Lagarde se voit visée, depuis le 4 août, par une enquête pour  » complicité de faux  » et  » complicité de détournement de biens publics  » dans l’affaire Tapie. Des chefs d’accusation graves, qui écornent une image jusqu’ici irréprochable et pourraient fragiliser la patronne du FMI au moment où elle a besoin de tout son poids pour contribuer à calmer l’incendie qui fait rage sur la planète finance.

Une exceptionnelle réputation outre-Atlantique

Certes, le conseil d’administration du FMI, qui a nommé Christine Lagarde à sa tête le 28 juin, était informé de l’éventualité d’une enquête en France incriminant l’ancienne ministre de l’Economie. Un risque que Paris avait toutefois tenté de minimiser auprès de ses partenaires. Cette épée de Damoclès n’avait pas entamé l’exceptionnelle réputation dont jouit outre-Atlantique l’ancienne avocate d’affaires. Le FMI a d’ailleurs immédiatement réagi, le 4 août, estimant que Christine Lagarde  » sera en mesure de s’acquitter effectivement de ses fonctions de directrice générale « .

Il n’empêche : elle devra répondre aux convocations des juges de la Cour de justice de la République (CJR) et tout élément qui pourrait se révéler en contradiction avec le très rigoureux code d’éthique du FMI pourrait la mettre en difficulté. Lors de son entrée en fonctions, le 5 juillet, à Washington, Christine Lagarde s’est engagée à éviter ne serait-ce que  » l’apparence d’un comportement inapproprié « .  » J’ai la conscience parfaitement tranquille « , n’a- t-elle cessé de répéter. Elle a, en outre, toujours assuré avoir décidé seule du recours à l’arbitrage privé dans l’affaire Tapie. Une version mise en doute par certains témoins, cités par le quotidien Libération, selon lesquels l’instruction venait directement de l’Elysée. Si un tel soupçon – vigoureusement démenti dimanche par Stéphane Richard, ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde, dans le Journal du dimanche – se trouvait confirmé, cela pourrait devenir gênant pour la directrice générale du FMI, dont la sincérité serait alors prise en défaut. Aux yeux de l’opinion, américaine notamment, elle risque fort d’être jugée avant tout sur la transparence dont elle fait preuve dans cette affaire.

Mais, aujourd’hui, bien plus que l’enquête de la CJR, qui apparaît comme une péripétie purement franco-française, c’est la capacité de Christine Lagarde à participer au sauvetage de l’économie mondiale qui est scrutée par les observateurs. Sa parfaite connaissance des cultures américaine et européenne, ses réseaux et son expérience de la négociation multilatérale devraient être précieux, tout comme l’attention dont elle a déjà fait preuve à l’égard des pays émergents, notamment en nommant un Chinois comme n° 2. En revanche, son optimisme forcené quant à la croissance commence déjà à être contredit par les faits. Surtout, les solutions qu’elle a promues avec ses collègues européens, quand elle dirigeait le ministère de l’Economie, pour endiguer la crise de l’euro, ont montré leurs limites. Et le FMI est attendu au tournant dans son soutien aux politiques de réduction de la dette et des déficits menées par les gouvernements occidentaux. Rien de très léger, donc, au menu de Christine Lagarde cet été.

VALÉRIE LION

La patronne du FMI a besoin de tout son poids pour calmer l’incendie qui fait rage sur la planète finance

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