Le Diamond est éternel

En août 2008, Neil Diamond triomphait au Madison Square Garden new-yorkais, complet pendant quatre soirs consécutifs. Un double CD et un DVD témoignent de la science sentimentale du crooner de Brooklyn.

C’est la voix, essentiellement utilisée dans de longues ballades karmiques, qui accroche. Le timbre est légèrement fissuré, les femmes – surtout – trouvent cela sexy . Les hommes concèdent à Neil un talent pour les chansons lentes mais restent interloqués par cette pilosité ambulante agitée de poses de mâle américain éternellement mûr. D’ailleurs, Neil Diamond n’a jamais eu l’air jeune. Mais depuis la parution de son premier album, The Feel of Diamond, en 1966, ce fils d’immigrants juifs russes et polonais de Brooklyn a fait du chemin. Ici, on le connaît surtout pour sa poignée de tubes (con)sensuels ( Sweet Caroline, Song Sung Blue) et son triomphal album de 1973, la BO du film Jonathan Livingston Seagull, histoire d’un goéland épris de liberté : le film fut un four (relatif), le disque signa un carton international. Il y a cela aussi dans la musique de Diamond : un désir de décoller, une emphase orchestrale qui tente de frauder le mur du son. Cuivres en extase, piano tragique, guitares élancées, le nouveau CD/DVD live est le remake d’un album fameux enregistré live par Neil en 1972 au Greek Theatre de Los Angeles, Hot August Night. Diamond a changé de côte – il est passé à l’Est – et troqué sa tignasse lionesque des seventies au profit d’une coupe gentleman plus adaptée à son âge ; il est né en janvier 1941. N’empêche que dans sa façon de revisiter les anciennes chansons – neuf sont communes aux deux albums enregistrés à trente-six ans d’écart… – il offre au public new-yorkais matière à plébisciter bruyamment la nostalgie. Cette vieille coquette toujours en quête de séduction. C’est parfois moyen – quand il laisse la bride aux instruments pour des solos sans brillant – mais, globalement, ce mélange de crooning à la Tom Jones, de ch£urs bibliques et de rock saupoudré de funky cadré, fonctionne à plein rendement. Attention, c’est aussi révolutionnaire qu’un discours de Ronald Reagan, mais, miraculeusement sans doute, cela ne sent ni la naphtaline ni le fond de plat brûlé. Faute à la fameuse voix, sans doute…

Retour à Brooklyn

Dans le volet DVD – qui comprend trois titres de moins que le double CD – on prend de plein fouet la dimension spatiale de Neil, à savoir son ancrage profondément new-yorkais, brooklynien même. Les allusions à son quartier natal se multiplient pendant le spectacle – filmé de manière classique – mais c’est dans le bonus d’une vingtaine de minutes du DVD que s’opère cette manière parfaitement américaine de faire fructifier l’identité initiale. On voit donc Neil prendre le métro à Manhattan jusqu’au quartier de l’enfance, le coin de Flatbush Avenue. A tous les gens qu’il croise en déambulant, il chante la même chanson, genre  » Je suis de retour dans mon « hood » un demi-siècle après en être parti pour la lumière show-biz de Manhattan « . Aujourd’hui, le quartier est beaucoup moins juif que noir, mais les passants lui offrent admiration et étonnement, de le voir là, en toute simplicité. On verse – quasiment – une larme en visitant le modeste appartement de sa jeunesse, là où lui et son frère faisaient du patin à roulettes  » jusqu’au moment où la voisine du dessous, Madame Golkis, tambourinait avec sa brosse « . Tout cela est sympa, aussi spontané qu’une pêche Melba, mais sacrément sentimental. Ce qui pourrait être une assez bonne définition de l’univers de Monsieur Diamond.

PHILIPPE CORNET Hot August Night/NYC sort en double CD et en DVD, chez Sony Music.

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