» Le cycle Berlusconi se termine «
Ilvo Diamanti, professeur de sciences politiques à l’université d’Urbino et à Paris II, explique en quoi les derniers revers électoraux du Cavaliere reflètent l’usure de sa politique.
Le Vif/L’Express : La presse internationale a annoncé plus d’une fois la fin de Silvio Berlusconi. Pourtant, au lendemain des élections municipales de fin mai et du triple référendum des 12 et 13 juin, on a bien l’impression que, cette fois, le vent a tournéà
Ilvo Diamanti : Les règles des autres pays ne sont pas applicables à l’Italie. Elle a été gouvernée pendant quarante-huit ans par le même parti, la Démocratie chrétienne. L’alternance n’était pas possible, nous avions le Parti communiste le plus fort de l’Occident. Je n’aime pas parler d' » anomalie » italienne, mais nous sommes un cas extrême du fait de notre situation géopolitique. Lorsque le Mur de Berlin s’est écroulé, Silvio Berlusconi l’a remplacé par le mur de sa villa privée, à Arcore (Lombardie). Il a dit : » L’Occident, l’anticommunisme, c’est moi. » Beaucoup d’Italiens avaient encore des craintes. En outre, il se présentait comme le self-made-man qui allait débarrasser l’Italie des impôts et de tout ce qui est étatique. Or, en Italie, l’Etat a toujours été perçu, pour des raisons historiques, comme l’ennemi. Le berlusconisme a débuté, en 1995, avec un référendum sur les télévisions privées. L’accent était mis sur la liberté d’entreprise, sur la peur des autres, des gens du Sud, des immigrés, sur la communication, aussi, d’un leader populiste. Aujourd’hui, tout cela est devenu vieux ! Ce cycle, personnifié par Berlusconi et par Umberto Bossi, chef de la Ligue du Nord, se termine. L’Italie n’est pas une île, elle reflète ce qui se passe autour d’elle, notamment dans le Maghreb, très proche.
Berlusconi ne sera donc pas balayé par les scandales qui ont tant choqué à l’étranger, mais par la crise économique et financière ?
Il y a eu un effet cumulatif. La lassitude de la population s’est tout à coup accélérée, même si la chute de popularité de Berlusconi a commencé il y a un an et demi. C’est un problème de crédibilité. Sa communication, fondée sur l’optimisme, est trop loin de la réalité. Il prône un type de développement économique, fondé sur la finance et les services, qui ne fonctionne plus. Sa politique, trop personnalisée, a déçu. Les gens en ont aussi assez de cette » peur de l’autre » sur laquelle il a tant misé. On s’en rend compte en voyant le nouveau langage utilisé pour les référendums. Le mot-clé a été le » bien commun « , en l’occurrence, l’eau, dont les Italiens ont refusé qu’elle soit soumise à la loi du marché. Les jeunes ont communiqué sur le Web et ont fait campagne. Ils ont poussé leurs parents et grands-parents à aller voter. En fait, les référendums ont été, après les élections locales de mai dernier, le troisième tour d’une protestation de la société contre les valeurs, jusqu’alors dominantes, du berlusconisme.
L’opposition de centre gauche ne semble pas prête, cependant, à prendre la relèveà
En effet ! Elle ne s’y attendait pas. Les grands vainqueurs des municipales ne sont d’ailleurs pas, pour la plupart, liés au plus important parti de l’opposition, le Partito democratico (PD). Ce sont des personnes aux antipodes de ces hommes politiques qui se sont donnés en spectacle, pendant toutes ces années, à la télévision. Les citoyens sont fatigués de ce modèle-là. L’opposition doit davantage répondre aux demandes. C’est maintenant ou jamais !
PROPOS RECUEILLIS PAR VANJA LUKSIC
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