On soupçonne le chagrin face à cette œuvre qui déborde. © DR

Le Corps des larmes, de Justine Bougerol (2022)

Le Vif

Instinctivement, mais aussi un peu aidé par le titre, on soupçonne le chagrin face à cette œuvre qui déborde – d’autant plus que l’artiste, formée à la scénographie, est travaillée par le leitmotiv de la «maison natale», elle qui a grandi jusqu’à l’âge de 14 ans dans une demeure où elle «a laissé des êtres chers». Une expression comme «pleurer des rivières» se présente spontanément à l’esprit et, avec elle, un étonnant mélange entre domesticité et environnement naturel, façon de relier l’homme à la terre.

Comme dans les rêves les plus intenses, nature et culture se nouent ici de manière pénétrante. Se forge alors une sorte «d’arrière-pays» mental, pour parler comme le poète Yves Bonnefoy dont les textes ont influencé Bougerol, dont on sait, peut-être, la quête à parvenir en un lieu qui résisterait à l’œuvre du temps. Ce flux incessant ne doit pas être compris uniquement comme la métaphore d’une perte dont on ne se console pas, il indique également une piste de lecture héraclitéenne, celle du temps envisagé comme un fleuve dans lequel il est illusoire de se baigner deux fois. Cet impossible retour du même est joyeux en ce qu’il rompt la monotonie rituelle que cultivent montres et calendriers, il est garant d’un constant renouvellement créateur que favorise l’oubli. En point de mire? La joie pure et lumineuse d’un lever de soleil.

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