La comédienne Eline Schumacher occupe le centre de la scène, aux côtés des musiciennes Olivia Carrère et Marine Horbaczewski, et d'Aurélie Perret à la régie lumière. © Andrea Messana

Le climat et moi

Comment tirer la sonnette d’alarme sur le réchauffement climatique sans plomber complètement l’ambiance? Dans La Bombe humaine, Vincent Hennebicq résout l’équation grâce à l’énergie communicative d’Eline Schumacher. A mettre sous tous les yeux.

Ils évoluent au milieu de serpentins écrasés et de confettis répandus, dans une ambiance de lendemain de réveillon. Les douze coups de minuit ont sonné, la fête est finie, il est temps de se réveiller, d’enfin ouvrir les yeux. Pendant un an, entre fin 2019 et fin 2020, les comédiens et metteurs en scène Vincent Hennebicq ( Going Home, Wilderness, L’Attentat…) et Eline Schumacher ( Manger des épinards c’est bien ; conduire une voiture c’est mieux, La Ville des zizis) ont lu, cherché, rencontré, interviewé en tous sens sur « le pire défi que l’humanité a jamais rencontré »: le réchauffement climatique et les réactions paradoxales qu’il entraîne, entre écoanxiété, culpabilité, tête dans le sable, rébellion et envie de changements durables.

Je ne voulais pas faire quelque chose de spectaculaire sur le sujet.

Leur spectacle, La Bombe humaine, vu en filage en petit comité en décembre dernier et enfin créé au Théâtre national (1), est son propre making of, un journal de bord qui retrace cette année. « Pour moi, cette forme était assez claire depuis le début, parce que je ne voulais pas faire quelque chose de spectaculaire sur le sujet », retrace Vincent Hennebicq, qui a eu l’impulsion première du projet en lisant la phrase d’ouverture d’ Exterminez toutes ces brutes de Sven Lindqvist – « Vous en savez déjà suffisamment. Moi aussi. Ce ne sont pas les informations qui nous font défaut. Ce qui manque, c’est le courage de comprendre ce que nous savons et d’en tirer les conséquences. » Et le comédien-metteur en scène de poursuivre: « Je voulais faire un spectacle qui traite vraiment de ce qu’on a vécu. Eline, elle-même, ne s’est pas rendu compte qu’on était en train d’écrire le spectacle au moment où on le faisait. C’est aussi pour cette raison que toute l’équipe est sur scène: la régisseuse, les musiciennes… C’est une façon de ne rien cacher, de mettre vraiment le théâtre à nu. On a travaillé « avec nous ». Moi je parle de mes enfants, Eline parle de son grand amour. A la base, on s’est dit qu’il n’y aurait aucun filtre, qu’on partagerait tout. »

Invités

Si La Bombe humaine a été initialement initié par Vincent Hennebicq, c’est bien Eline Schumacher qui occupe le centre de la scène, aux côtés des musiciennes Olivia Carrère et Marine Horbaczewski, et d’Aurélie Perret à la régie lumière. « J’ai choisi de travailler avec Eline parce que justement elle partait de rien, précise Vincent Hennebicq. C’était important de se lancer avec quelqu’un qui n’avait ni toutes ces informations, ni cette envie de savoir. Au début, elle me disait toujours: « Moi, tu feras tout ce que tu veux, tu n’arriveras jamais à me déprimer! » Eline est drôle, vivante. Pour moi, c’est la vie incarnée! Mais chemin faisant, elle a traversé « les étapes du deuil » – le déni, la colère, la tristesse… »

Par différents procédés, La Bombe humaine accueille aussi des invités prestigieux. Notamment le Liégeois François Gemenne, spécialiste des questions de géopolitique et de l’environnement, auteur d’un Atlas de l’anthropocène, également présent lors de tables rondes proposées dans le cadre du spectacle (2). « François Gemenne a été un personnage clé dans l’aventure d’Eline, souligne Vincent Hennebicq. Il y a vraiment un avant et un après leur rencontre. C’est quelqu’un de passionnant, qui arrive à rendre le sujet du climat extrêmement intelligible. Il raconte les choses de manière très concrète. Par exemple, alors que la plupart des scientifiques parlent de projections pour 2100, François Gemenne fait une comparaison avec un médecin qui vous dirait qu’il faut arrêter de boire en 2030: on laissera passer quelques années, en 2028 on se dira qu’on y est bientôt, en 2029 on se rappellera que c’est déjà l’an prochain et, entre-temps, on n’aura pas arrêté de boire et la maladie n’aura fait que s’accentuer. »

Autre personnalité conviée: la jeune militante Adélaïde Charlier, coordonnatrice francophone de Youth for Climate Belgique. « C’était une rencontre très importante pour moi, confie le metteur en scène. Adélaïde Charlier est très jeune, elle parcourt le monde et elle arrive toujours à croire à d’autres possibles. Je pense qu’il y a une nouvelle génération prête à se saisir de tous ces enjeux. Par exemple, on constate qu’il y a de plus en plus de végétarisme chez les jeunes. C’est une avancée majeure car on sait que la viande constitue l’un des gros problèmes liés au réchauffement climatique et à la perte de biodiversité. » L’horizon est sombre. Il faut changer de cap. Maintenant.

(1) Du 23 septembre au 3 octobre au Théâtre national, à Bruxelles. Le 18 juin 2022 au centre culturel d’Uccle.

(2) Table ronde Face à l’anthropocène, des utopies réalistes?, le 29 septembre à 19 h au Théâtre national, à Bruxelles.

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