Le Chat, quelle affaire !

Entre deux expos, Philippe Geluck réédite un livre, sort un coffret de cartes postales et se focalise sur l’ouverture, en 2019, de son propre musée. Le Chat, c’est une affaire qui roule et une véritable PME.

 » Avec le Chat, je suis comme le prestidigitateur qui sort un foulard de son chapeau, un foulard qui n’en finit jamais. Moi aussi je tire, et j’obtiens encore quelque chose ! Même si ça fait trente-trois ans maintenant, et qu’il y a toujours cette petite angoisse que ça s’arrête, que je devienne sec. Pour l’instant, j’en suis loin.  » Très loin même ! Alors que son exposition parisienne au Musée en herbe est un succès (plus de 80 000 visiteurs en sept mois) qui joue les prolongations (jusqu’au 7 janvier), et qu’une expo-vente se tient à Lausanne (jusqu’au 4 février), Philippe Geluck a trouvé le temps d’offrir deux nouveautés éditoriales à son Chat (lire l’encadré) : un album presque (presque) normal comme il en sort un quasiment chaque année à pareille période (de fêtes, donc d’achats), mais aussi un coffret de cent dessins au format carte postale. Il y a deux ans, c’était un coffret de bouteilles de vin. Et avant ça, ce fut La Bible selon le Chat, un coffret lui aussi, contenant deux livres en format à l’italienne.

Le Chat, et son auteur, condamnés aux bonnes idées pour continuer de cartonner ?  » Disons que je suis comme un cheval qui aime sauter les obstacles, en mettant chaque fois la barre un peu plus haut. La Bible, ce fut mon plus gros succès de librairie ! Il est donc logique de chercher à faire « mieux » ou « autre chose ». Mais le Chat reste fondamentalement, malgré toutes les formes qu’il peut prendre, toile, dessin, animation ou sculpture, du dessin d’humour bien plus que du dessin de presse, comme le pratiquaient ou le pratiquent encore les Sempé, Siné, Bosc, Chaval ou Steinberg. J’essaie de travailler sur des choses pérennes, bien plus que sur la vie politique. Et je dessine tous les jours. Sur l’appli du Chat, je poste quotidiennement un dessin inédit. Je reste un artisan.  » Un artisan qui, par la force des choses, a aussi dû se transformer en véritable entrepreneur : la  » Geluck limited  » est aujourd’hui une société anonyme comptant 7 salariés temps-plein et de nombreux collaborateurs. Sans compter la trentaine de personnes qui seront nécessaires pour faire tourner, d’ici à trois ans, son futur musée.

Salut ! Ça va ?

Le Chat, s’il est né dans les pages du Soir en 1983, est rapidement devenu une petite entreprise plus qu’un petit dessin. D’abord par la grâce du succès surprise d’une première série de 12 cartes postales qui a fait du Chat une figure du genre, série d’ailleurs suivie depuis par bien d’autres ; ensuite, par une première licence dont le succès ne se dément pas, vingt-deux ans après sa signature : les  » Langues de Chat  » restent un des musts du chocolatier Galler, et une source importante de royalties, alimentée depuis par d’innombrables collaborations et produits dérivés, des boîtes de préservatifs aux pyjamas le Chat.  » Mais même si je délègue beaucoup, je cherche toujours la qualité et le beau produit, il faut que le pyjama soit agréable à porter ! Et je ne cherche pas l’argent pour l’argent : depuis des années, une célèbre marque d’aliments pour chats me propose, littéralement, un chèque en blanc pour utiliser l’image du Chat. Mais j’ai toujours dit non : le Chat n’est pas vraiment un chat, je ne le vois pas bouffer ce genre de trucs !  »

Produits dérivés, expositions, tableaux grand format, animations, collaborations diverses et variées en plus de ses activités à la télévision ou en radio : c’est à la fin des années 1990 que Philippe Geluck se décide à engager un premier assistant – David Gillet, fan de la première heure quand il était encore enfant, et aujourd’hui presque mon fils adoptif – et à créer sa société anonyme, baptisée  » Salut ! Ça va ? « . La SA salarie aujourd’hui sept personnes, du community manager chargé de gérer la boutique du site, Facebook ou l’appli pour smartphones, au coloriste de ses dessins, en passant par le responsable des  » Studios du Chat « , montés à l’origine pour assurer la production de La minute du Chat en télévision, mais qui se sont ouverts aujourd’hui à d’autres productions audiovisuelles, de la création de génériques à des activités de montage ou de postproduction.

De Lollipop au musée

Une multitude d’activités dont on ne connaîtra pas le chiffre d’affaires – Philippe Geluck n’en a aucune idée, mais les comptes annuels de  » Salut ! Ça va ?  » faisaient apparaître, en 2014, un CA de 150 000 euros (400 000 l’exercice précédent) – mais dont il sait lui-même qu’il peut être fluctuant.  » A la fin de cette année par exemple, ma collaboration avec l’assureur MMA prendra fin, après près de 250 affiches réalisées. Ça représentera évidemment une perte qu’il faudra compenser, mais je ne suis pas d’un naturel inquiet. On fera avec, ou plutôt sans. Il me reste par ailleurs 1,9 million à trouver pour la réalisation du musée : j’en ai déjà trouvé 2,6.  » 4,5 millions d’euros, c’est l’estimation du budget qui lui sera nécessaire pour ouvrir, fin 2019, son musée du Chat à Bruxelles, entre le Musée BELvue et le Musée des instruments de musique – la Région mettant, elle aussi, 4,5 millions d’euros sur la table pour remettre le gros oeuvre à neuf. Il est loin le temps où Philippe Geluck lâchait l’émission Lollipop pour se consacrer entièrement à son Chat, avec un strip hebdomadaire qui lui rapportait 5 000 francs belges. Demain, son musée emploiera  » entre 25 et 30 personnes « .

L’Art et le Chat (édition augmentée), par Philippe Geluck, éd. Casterman, 80 p.

Bons baisers du Chat, coffret de 100 cartes, par Philippe Geluck, éd. Casterman.

PAR OLIVIER VAN VAERENBERGH

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