Le bio est-il vraiment meilleur pour la santé ?

Le bio ne tiendrait pas toutes ses promesses. Un pavé dans la mare du discours bien-pensant bio est jeté sous la forme d’un livre pas du tout écologiquement correct.

Pour quelles raisons achète-t-on du bio ? Il y en a essentiellement trois. On est persuadé que c’est meilleur pour la santé, que la culture bio est bonne pour l’environnement et qu’acheter bio aide le petit agriculteur. Dans son livre, Bio, fausses promesses et vrai marketing (Editions Le Publieur 2011), Gil Rivière-Wekstein, journaliste agricole, fondateur de la revue Agriculture et Environnement, met en cause ces trois promesses.

Le bio n’est pas meilleur pour la santé ?  » Aucune étude sérieuse n’est venue démontrer scientifiquement que les produits bio étaient meilleurs pour la santé, assène-t-il. Ils peuvent être meilleurs au goût, mais c’est autre chose. « 

Gil Rivière-Wekstein rappelle que le cahier des charges du bio a commencé à être établi au début des années 1930.  » Il y avait, déjà à l’époque, l’idée que la nourriture naturelle était meilleure pour la santé. C’était le courant hygiéniste. Des pseudo-nutritionnistes expliquaient que la nourriture était devenue néfaste pour la santé. Le bio a été porté par des partisans de « la terre qui ne ment pas » un courant réactionnaire des années 1930 et 1940. Selon ce courant, une nourriture naturelle apportait une « force vitale » qu’eux-mêmes admettaient impossible à mesurer. Ce concept mystique a été développé par des naturopathes et repris dans les années 1960. Dans les années 1970, selon les adeptes de l’agriculture bio, l’espérance de vie allait diminuer à cause de l’alimentation industrielle. Les néoruraux de l’après-Mai 68 ont pris le relais des pionniers de l’agriculture bio. C’est amusant de constater que le projet de société est passé de la droite radicale au mouvement gauchiste post-soixante-huitard avec les mêmes discours. Or, depuis les années 1970, l’espérance de vie n’a cessé d’augmenter. Nous avons gagné six ans. « 

Toxiques inattendus

Principale préoccupation, la question des pesticides. L’agriculture biologique proscrit l’utilisation des traitements chimiques de synthèse.  » Mais, n’en déplaise à certains, les producteurs bio utilisent bel et bien des pesticides dits naturels, pointe Gil Rivière-Wekstein. Certains sont toxiques pour l’homme comme la roténone. Lors d’un séminaire sur l’analyse des résidus dans l’agriculture biologique, organisé par un laboratoire belge en 2009, de nombreuses interventions ont fait apparaître qu’il n’était pas rare de retrouver des matières actives inattendues dans les produits bio. Que ce soient des résidus de pesticides autorisés en bio ou des traces de produits interdits. Fort heureusement, ces traces de résidus ne présentent aucun risque pour la santé. « 

Notre assiette, bio ou conventionnelle, contient un grand nombre de résidus de produits chimiques. Faut-il s’en inquiéter ?  » Pas nécessairement. La quantité totale des résidus de pesticides retrouvée est trop faible. En revanche, en nous nourrissant normalement, nous ingérons quotidiennement 1,5 gramme de substances végétales naturelles, mais potentiellement toxiques. Soit une quantité 5 millions de fois supérieure à celle des pesticides de synthèse absorbés par notre organisme ! Si la présence de résidus de cuivre et de soufre n’est pas synonyme de risque pour la santé, les produits bio n’en sont pas moins « déloyaux » puisqu’ils ne sont pas conformes aux attentes des consommateurs. « 

Ce type d’agriculture est-il plus respectueux de l’environnement ?  » Lors d’attaques de mildiou, on utilise du cuivre. Il n’est pas biodégradable et reste dans le sol. Dans certaines cultures, le tonnage est important. Au fur et à mesure qu’on en ajoute, on va vers la mort programmée des sols. Même Greenpeace Allemagne conteste l’usage du cuivre dans l’agriculture biologique. Celle-ci peut être meilleure pour l’environnement, mais elle utilise aussi des produits qui ne sont pas bons pour lui. « 

Selon Gil Rivière-Wekstein, lorsqu’on achète un produit bio, on ne soutient pas nécessairement un petit exploitant agricole.  » Il existe déjà en Europe des exploitations bio de plusieurs milliers d’hectares. Ainsi, en céréales, le géant allemand KTG Agrar dispose d’une galaxie de fermes implantées sur 30 000 hectares dont la moitié est consacrée aux céréales bio. Le groupe représente aujourd’hui 20 % de la production européenne. Cependant, le marché bio reste très marginal. Le chiffre d’affaires total des produits bio représente en France environ 3 milliards d’euros, soit la moitié du marché des sandwichs et le dixième de la restauration rapide. La nourriture halal représente un marché plus important que le bio. D’après une enquête de TNS Worldpanel, les consommateurs ayant fait du bio leur mode de vie consacrent en moyenne 5,4 % de leur budget aux produits bio. « 

Agro-business

Malgré tout, l’auteur estime que le bio a sa place.  » Il donne des produits de qualité comme des labels et les producteurs bio font des choses exceptionnelles à préserver, comme la culture des légumes anciens remis au goût du jour. Un vrai créneau. « 

Marc Fichers, secrétaire général de Nature & Progrès, rappelle que  » le courant de l’agriculture biologique est né, voici une trentaine d’années, de la volonté de consommateurs et de producteurs dans le but de modifier notre alimentation et notre agriculture. L’agriculteur était devenu un fournisseur de l’agro-industrie. Les partisans du bio ont orienté le cahier des charges vers le développement d’une agriculture respectueuse de l’environnement, sans engrais chimiques et basée sur des fermes autonomes.  » Le bio a travaillé ainsi pendant des années. Puis il y a eu un boom.  » Bien entendu, des structures de l’agro-business ont vu le bio comme une mode et ont pris dans les cahiers des charges les points minimum minimorum. Ce qui a provoqué et favorisé l’installation de structures agricoles. En fin de compte, celles-ci ne faisaient que produire sans pesticides et sans engrais chimiques, mais toute la transformation et la commercialisation se faisaient comme les produits conventionnels. Aujourd’hui, les rayons des grandes surfaces en sont remplis.  »

Cela fait-il avancer les choses en faveur du bio ?  » Certainement pas, répond Marc Fichers. Le seul intérêt est que des consommateurs qui, jusque-là, se nourrissaient en conventionnel, prennent l’escalator du bio. Ils arrivent à modifier leur façon de consommer en respectant les vraies règles du bio. L’agriculture bio, au sens où les agriculteurs bio et les consommateurs bio avertis l’entendent, ce n’est évidemment pas cela. L’agriculture bio, c’est le lien entre le producteur et le consommateur, que ce dernier voit le nom du premier sur le paquet de fromage. A la consommation locale correspond une production locale et, bien entendu, sans pesticides et sans engrais chimiques. Il n’y a pas de produits chimiques de synthèse dans les produits bio. Seuls sont utilisés certains produits d’origine naturelle, comme le soufre, des extraits de plantes, le cuivre. En très faibles doses et en voie de diminution. Rien à voir avec les nouvelles familles de pesticides qui causent la dissémination des abeilles et peut-être des problèmes de santé chez l’être humain. « 

JACQUELINE REMITS

L’agriculture bio est meilleure pour l’environnement, mais pas exempte de produits douteux

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