Le beau et son contraire

L’art peut-il être laid ?

Jean-Paul Chenez, par e-mail

De façon générale, l’art désigne le produit de l’activité humaine quand il s’élabore avec un souci de qualité. Avant même que l’artiste soit reconnu comme tel, toutes les cultures ont tenu en grande estime l’artisan. L’homme qui unissait l’utilité d’un savoir-faire au désir du bien faire. Maintenant encore, dire d’un artiste que c’est un bon artisan est le meilleur compliment qu’on puisse lui adresser. Implicitement, le lien entre le savoir-faire et la recherche d’une réalisation de qualité û au coup par coup û se maintient. Ne désigne-t-on pas le médecin comme  » l’homme de l’art  » ? Plus qu’un scientifique, c’est un artisan. Il s’efforce d’appliquer ses connaissances théoriques aux cas singuliers pour en tirer le meilleur parti. Quant aux  » beaux-arts « , qu’on appelle communément les arts, comment produiraient-ils, volontairement, du laid ?

Trois idées se liguent pour obscurcir le débat. Primo, le beau et le laid seraient une question d’appréciation. Pareille affirmation confesse une indifférence face au problème posé. S’ils se valent, quel critère pour justifier û fût-ce en mon for intime û mon sentiment d’adhésion à l’£uvre proposée. Secundo, l’art offre de montrer le laid, en tant que tel et non comme s’il était une autre façon du beau ; autrement dit, le laid n’est pas (le) beau, comme dirait Monsieur de La Palice. Tertio, il ne faut pas confondre le laid et les formes qui sont étrangères à notre sensibilité. Il ne s’agit pas alors de disputer sur le beau et son contraire, mais de comprendre ce qui est, pour nous, neuf, inhabituel, dérangeant, etc.

Le beau et le laid sont, intuitivement, à l’opposé l’un de l’autre et… étroitement liés comme le haut et le bas, le masculin et le féminin, le jour et la nuit, la droite et la gauche. C’est précisément parce qu’on ne peut penser l’un sans l’autre qu’on ne peut les confondre. La compréhension qu’on a de l’un se construit sur la perception de l’autre en tant qu’il est son contraire absolu.

Par exemple, quand Goya montre les horreurs de la guerre, ce n’est pas une complaisance face à la laideur û bien présente û mais l’évidence du juste combat à mener pour y faire face, évidence qui provoque le sentiment esthétique. Si c’est la même chose de montrer la violence des soldats de Napoléon et la résistance espagnole, où serait la beauté de l’£uvre en tant qu’elle magnifie la seconde au détriment des premiers ?

La vraie question ne serait-elle pas de comprendre pourquoi une majorité de gens sont prêts à penser que l’art peut être laid. C’est une affirmation postmoderne, quelle conclusion en tirer ? Jean Nousse

Jean Nousse

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