L’architecture engagée

Fanny Bouvry

La démesure constructive de ces dernières années aurait-elle du plomb dans l’aile ? Un art de bâtir plus réfléchi et moins tape-à-l’oeil occupe désormais le devant de la scène.

Alors qu’il y a quelque temps encore, les grandes pointures de l’architecture monopolisaient l’attention des médias avec des oeuvres majestueuses, parfois à l’excès, c’est aujourd’hui l’engagement des bâtisseurs qui prend lentement le dessus. Signe de ce changement : le Pritzker Prize décerné, au début de l’année, au Chilien Alejandro Aravena, également choisi comme curateur de la Biennale de Venise 2016. L’homme, peu connu pour ses buildings, milite pour plus d’équité sociale en matière d’habitation. Il a ainsi imaginé des logements  » ouverts  » dont une partie est érigée sur la base de fonds publics, les finitions étant laissées en attente pour permettre aux gens d’acquérir un bien pas cher, à compléter au fil du temps. Une démarche à cent lieues de la starchitecture, mais qui fait aujourd’hui parler d’elle dans les hautes sphères.

Côté humanitaire également, l’art de bâtir se met au service des plus démunis. On ne compte plus les idées – parfois loufoques, avouons-le – qui fleurissent sur la Toile pour apporter une solution à la question de l’abri d’urgence : tente-vêtement pensée par des étudiants en mode, logis parasismiques conçus par le Japonais Shigeru Ban pour le Népal et même modules pour réfugiés signés… Ikea ! Autre exemple : la Croix-Rouge qui dispose, au grand-duché de Luxembourg, d’une réelle cellule de recherche travaillant avec des universités et des entreprises.  » Nous sommes passés de l’âge romantique de l’humanitaire – où tout un chacun qui savait bricoler partait au Burkina Faso pour construire des cabanes – à celui de la professionnalisation. Tout a son importance quand on imagine de tels abris et c’est le rôle des architectes désormais de développer cela « , rappelle Christian Huvelle, directeur de l’aide internationale pour l’institution.

La discipline sort donc de l’ornière de l’esthétique pour revenir à l’essentiel et redonner une place à l’engagement. Clin d’oeil chez nous : Bozar, à Bruxelles, a consacré dernièrement une rétrospective à Lucien Kroll, concepteur belge ultra-engagé qui, dans les années 1970, défendait une architecture participative, où chaque habitant avait droit de cité – en témoigne sa  » mémé « , un des immeubles de la faculté de médecine de l’UCL à Bruxelles Woluwe aux allures de grand chaos constructif. Longtemps décrié dans son propre pays pour sa vision décalée et antimoderniste, il aura dû attendre d’avoir 89 ans pour faire son entrée dans un de nos musées…

FANNY BOUVRY

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