L’affaire est dans le sac

En matière de tri de ses déchets, le Belge est un sacré champion, mais pas encore héros univer- sel. On lui demande, maintenant, d’abandonner les sacs de plastique jetables. Emballant ?

En quelques années, les Belges sont passés maîtres dans l’art raffiné du tri des emballages. Canettes, bouteilles, flacons et vieux papiers sont désormais devenus les étalons du comportement écologique de l’ Homo domesticus. Dans l’intimité de la cuisine familiale, le successeur du sapiens (oubliez donc l’ère préhistorique de la bonne vieille poubelle à couvercle !) a û presque û tout compris : les PMC (plastiques, métaux, canettes) dans les sacs bleus, les papiers dans les jaunes (à Bruxelles) et les autres rebuts dans les gris ou les blancs. Au début, certains ont cru voir rouge. Mais, bon, selon Fost Plus, l’ASBL qui orchestre cette chorégraphie multicolore depuis dix ans, les chiffres sont là : le taux de résidus (comprenez : les déchets confiés par erreur aux sacs bleus) a dégringolé de 27 % en 1997 à 16 % l’année dernière. Nous serions même, dit-on au siège de l’organisme au point vert, les champions du monde du recyclage. Près de 86 % des emballages, du moins ceux dont les producteurs cotisent au système, seraient aujourd’hui recyclés. Des gestionnaires municipaux viennent du monde entier, paraît-il, pour comprendre les clés du succès noir-jaune-rouge.

Mais tout n’est pas gagné pour autant. Bon petit soldat sous le toit familial, le Belge se transforme en véritable sac à puces dès qu’il arpente ses aires de détente et de vacances. Il perd ses bons réflexes de tri et, faute d’accès aisé aux poubelles sélectives, se comporte comme il y a dix ans : tout à la poubelle û quand ce n’est pas dans la nature ! C’est bêtement humain : qui, dans l’ivresse des loisirs, a vraiment envie de se compliquer la vie ? En soufflant ses dix bougies, Fost Plus a donc prévenu : nous serons tous bientôt invités, priés, harcelés û amicalement, cela va sans dire û à trier encore mieux nos déchets d’emballages. Premiers lieux visés : les campings, les collectivités et les appartements de la côte belge. Puis on passera aux fêtes de masse (genre festivals estivaux) et aux aires de camps des mouvements de jeunesse. L’imagination est au pouvoir : des sacs bleus géants dans les collectivités, des mini-sacs bleus pour les locations d’un week-end au littoral (sinon, bonjour les odeurs !), des  » îlots de déchets  » pour les festivaliers de Dour et de Dranouter, etc. Bref, le point vert et le sac bleu se manifesteront toujours plus loin, là où on ne les attend pas.  » Nous avons toujours été des précurseurs, nous le resterons « , lance Joseph Michaux, directeur technique de Fost Plus. Tout cela sera, certes, progressif. Mais le  » gisement  » de déchets espéré par les cerveaux de l’organisme est tout sauf anecdotique. L’année dernière, à Knokke-Heist, le simple renforcement des conteneurs en rue avait permis de collecter deux fois plus de verre usagé que la moyenne nationale.

En attendant l’été, nous voilà déjà mis à l’épreuve. Sur les affiches et les écrans, de faux Beatles et un astronaute lunaire nous suggèrent de mettre à sac les stocks de plastiques à usage unique distribués aux caisses des grands magasins. Fost Plus n’y est pour rien, cette fois, mais bien les trois Régions, main dans la main avec la grande distribution. L’alternative ? Les contenants ré-u-ti-li-sa-bles : les sacs renforcés ou les bacs pliables. Bref, du matériel durable. Car, avec 3 milliards d’unités distribués chaque année en Belgique (soit 15 000 tonnes de déchets), les petits sacs de caisse sont partout. Y compris dans les cours d’eau et en mer, où l’on signale des cas d’étouffement des mammifères marins (phoques, dauphins, marsouins…), qui les confondent avec des poissons. Dans les pays pauvres, ils s’envolent aux caprices du vent et s’accumulent par millions aux endroits les plus reculés. En Afrique du Sud, on les surnomme par dérision les  » fleurs nationales  » tant ils tapissent les campagnes. L’objectif, chez nous : une réduction de 25 % de ces sacs en deux ans. En cas d’échec, une punition se profile déjà à l’horizon : la fiscalité. Ainsi, en Irlande, une écotaxe de 0,15 euro a eu pour effet l’abandon des sacs à… 90 %. En Belgique, on préfère la voie douce. Efficace ?

Philippe Lamotte

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