La voix qui crie dans le désert

Frank Vandenbroucke s’est fait le messager du malheur depuis son Molokai politique où son parti, le S.PA, l’a banni voici six mois. En publiant un essai qui fera date sur les choix stratégiques qui s’imposent à notre Etat providence, il prouve sur la base de données chiffrées que, d’ici à 2015, 18 milliards d’euros devront être économisés afin d’assurer le maintien du niveau actuel des diverses allocations sociales et des soins de santé. Cette somme dépasse la totalité des économies réalisées sous Martens et Dehaene. A supposer que cet objectif soit atteint, l’argent manquera encore aux pouvoirs publics pour leur permettre d’assumer leurs responsabilités dans d’autres domaines comme la justice, la lutte contre le réchauffement climatique, etc. Si cet effort budgétaire échouait, il ne resterait plus qu’à diminuer les allocations sociales, à accepter la faillite du régime actuel des retraites en les rapetissant et à faire une croix sur notre système de santé.

Quoique personne n’ait contesté ni réfuté les chiffres de Vandenbroucke, ceux-ci n’ont été jugés dignes d’intérêt que dans la seule presse flamande. Le monde politique nordiste, quant à lui, était aux abonnés absents. L’abîme entre le SP.A et son ancien président et ministre demeure toujours infranchissable. En outre, les conséquences des mesures préconisées par Vandenbroucke s’accordent mal avec le programme du parti.

Vandenbroucke propose en effet de relever le coût des chèques-services à charge des foyers bénéficiant d’un double revenu ou de renoncer, à l’avenir, à toutes exigences salariales, en échange de contributions plus élevées au profit du deuxième pilier des pensions, érigé au sein des entreprises. A défaut, celui-ci deviendra également impayable alors que les pensions légales de base, qui constituent le premier pilier, risquent de frôler le minimum vital.

Les ministres fédéraux ont eux aussi fait le silence total sur l’ouvrage de Vandenbroucke. Faisant preuve d’une belle unanimité, nos excellences s’en remettent à la prochaine équipe gouvernementale pour s’attaquer au problème du déficit des finances publiques, tout en assurant obstinément que le taux de croissance du budget des soins de santé, fixé par la loi à 4,5 %, s’accommodera sans difficulté de la croissance zéro de l’économie.

Pour le moment, Vandenbroucke reste une voix qui crie dans le désert. Or nul ne pourra prétexter son ignorance de la gravité de la situation si, un jour, ses enfants et ses petits-enfants lui demandaient des explications sur la ruine de notre Etat providence.

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YVES DESMET – Editorialiste au Morgen

Nul n’est plus censé ignorer la gravité de la situation

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