La vague Wagner

Le bicentenaire de la naissance du compositeur est l’occasion de voir son oeuvre jouée ici ou là. Mais pourquoi l’auteur du Ring est-il toujours aussi présent ? Réponses.

À LIRE : Wagner contre les juifs, par Pierre-André Taguieff (Berg International éd.). Dictionnaire encyclopédique Wagner, par Timothée Picard (Actes Sud/Cité de la musique).

A quoi sert l’Année Wagner ?

D’abord à programmer sa musique partout dans le monde. On ne compte plus les cycles complets du Ring qui, en 2013, se joueront à Paris, Berlin, New York, Vienne ou Milan. A cette débauche wagnérienne sur scène répond un foisonnement de parutions en librairie. Rien d’étonnant : depuis longtemps, Wagner provoque débats et polémiques. Il est certainement, après le Christ et Napoléon, le personnage  » historique  » objet du plus grand nombre de publications. En cette année anniversaire, plusieurs ouvrages vont revenir sur le sujet épineux de l’antisémitisme du compositeur.  » A travers lui, notre époque semble ne cesser de vouloir se mettre en garde contre elle-même, à la façon d’une catharsis « , explique Timothée Picard, auteur du Dictionnaire encyclopédique Wagner. Et elle met de côté d’autres dimensions de son legs, du communisme au paganisme, du christianisme à l’ésotérisme. Comme l’écrit le philosophe Pierre-André Taguieff en conclusion de son ouvrage Wagner contre les juifs, l’artiste  » incarne le trouble […] des hommes modernes « , dans une oeuvre marquée par  » la complexité foisonnante, l’indétermination et l’ambivalence « , et qui demeure  » irréductible à ses avatars historiques « .

Comment monter les opéras de Wagner aujourd’hui ?

Du côté des chanteurs, il y a du costaud, comme le ténor Jonas Kaufmann, la soprano Nina Stemme ou la basse René Pape. Pour ce qui est de la mise en scène, à première vue tout est possible, et différentes approches cohabitent : réalisme, critique historique ou sociale, imagerie SF ou techno…  » La tendance actuelle est à la pléthore symbolique « , constate Timothée Picard. D’après lui,  » une lecture de Wagner « au premier degré » n’est de toute façon ni possible ni souhaitable « . Pourquoi ? Parce que l’opéra selon Wagner exprime la nostalgie d’un âge d’or. Toute forme de naïveté, réelle ou affichée, est donc malvenue. Inversement, certaines mises en scène, comme celles vues ces derniers temps au festival de Bayreuth, en Allemagne, écrasent l’oeuvre sous leur propos plus qu’elles n’en révèlent les contenus, ou l’agressent en se construisant entièrement contre elle. Les productions d’Olivier Py, pour ne citer que lui, représentent un juste milieu : elles parviennent à concilier l’empathie avec certaines des valeurs portées par l’oeuvre de Wagner et la production d’un discours critique sur son compte.

Qui influence-t-il

désormais ?

Longtemps situé au coeur de la culture européenne, le wagnérisme a irrigué toutes les formes d’art – musique, littérature, peinture ou cinéma. Ainsi, les sept premières minutes de Melancholia, de Lars von Trier, donnent-elles à voir l’apocalypse sur fond de Tristan et Isolde, tandis que le film d’animation Ponyo sur la falaise, de Hayao Miyazaki, s’inspire de la Tétralogie et que la BO pastiche LaChevauchée des Walkyries. Les amateurs  » classiques  » de Wagner ne le savent peut-être pas, mais son oeuvre occupe une place dans la culture populaire d’aujourd’hui : la bande dessinée d’heroic fantasy française, véritable filon commercial, le film de genre (la trilogie du Seigneur des anneaux, de Peter Jackson, d’après Tolkien, avec la musique, très wagnérienne, de Howard Shore) et les mangas. L' » oeuvre totale  » wagnérienne est désormais partout.

BERTRAND DERMONCOURT

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