La vague verte ne reflue pas

Alors que le régime célèbre le 31e anniversaire de la Révolution islamique, la rébellion civique se joue des interdits et des manifestations officielles.

Negar, 29 ans, n’a jamais aimé les fêtes officielles. Question de génération.  » En 1979, mes parents se sont battus contre la dictature du chah pour nous offrir la démocratie. En fait, ils nous ont offert l’enfer sur un tapis rouge « , enrage cette jeune architecte iranienne en mal de liberté, contactée à Téhéran par téléphone. Depuis l’élection contestée de Mahmoud Ahmadinejad, en juin dernier, elle est de tous les rassemblements. De tous les défilés. Cérémonies religieuses, fêtes nationales, obsèques de protestataires tombés sous les balles des miliciens islamistesà  » Tout est prétexte à se réunir !  » dit-elle. En sept mois, le mouvement vert – la couleur de l’opposition – n’a cessé de grossir, défiant les coups des gardes-chiourmes du régime. Il gagne les provinces, traverse les classes sociales, et rassemble même, en son sein, d’anciens partisans du président iranienà Informel et dépourvu de véritable leader, cet élan n’en finit plus de surprendre par son art de l’organisation.

C’est que les frondeurs sont devenus des experts en contournement des interdits.  » Le régime a beau filtrer les sites Internet et bloquer les Textos à l’approche de chaque rassemblement, les Iraniens trouvent toujours le moyen de se reconnecter, via certains logiciels « , relève un journaliste. Résultat : la contestation s’organise sur le Web, grâce aux courriels, réseaux Twitter et Facebook, qui permettent d’échanger, en temps réel, une multitude d’informations sur les slogans à scander, les tenues à porter, les codes de conduite à respecterà

Les universités offrent des relais à l’opposition

Après chaque manifestation, des centaines de vidéos, prises sur le vif par les protestataires, circulent sur la Toile. Le bouche-à-oreille se charge du reste. Sans compter les mille et une formes de désobéissance civile que s’ingénient à inventer les Iraniens. Comme ces graffitis qui fleurissent sur les murs à la tombée de la nuit. Ou encore ces  » V  » de la victoire imprimés sur des liasses de billets de banque. Le récent appel au boycott du Festival annuel du film de Fajr, organisé chaque année à l’occasion de l’anniversaire de la révolution, a porté ses fruits.

Le pouvoir a pourtant tout essayé pour museler l’opposition. Pensant calmer le jeu, il a même esquissé un semblant de dialogue sur la très conservatrice télévision d’Etat. Mais les débats n’ont fait que galvaniser les protestatairesà Du coup, le noyau dur du régime recycle les vieilles méthodes des premières années postrévolutionnaires : deux jeunes  » manifestants  » – arrêtés deux mois avant le scrutin – ont été exécutés le 28 janvier.

 » Ces pratiques sont contre-productives « , relève un professeur de sciences politiques qui préfère taire son nom. Avec 3 millions d’étudiants recensés, contre 170 000 en 1979, les universités offrent des relais à l’opposition :  » La pendaison des deux jeunes a provoqué un vrai choc, avertit l’enseignant. Au lieu de briser la vague verte, elle risque de l’amplifier. « 

VINCENT DELON

 » ils nous

ont offert l’enfer sur un tapis rouge « 

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