La part belle aux jeunes

Pour baliser l’avenir des équipes belges de football professionnel, la fédération souhaite accorder plus d’attention à la formation des très jeunes joueurs. Le programme QIKFoot, actuellement expérimenté, servira d’abord de thermomètre, puis, sans doute, de coup de pied au derrière

Une dizaine d’adultes rassemblés aux portes du terrain de football bavardent distraitement, tandis que leurs gamins, en costume training uniforme, dépensent déjà leur trop-plein d’énergie sur les bas côtés du parking. Il est très tôt, trop tôt pour un jour de fin de semaine. L’équipe des minimes (âgés d’une douzaine d’années) de l’équipe A se déplace vers le terrain de l’équipe B pour disputer une rencontre plus ou moins décisive dans le championnat en cours. Rires, grelottements, ambitions sont de la partie. Et, quelle que soit l’issue du match, une bonne heure plus tard, les parents, légèrement enroués, en commenteront le déroulement autour d’un verre, mettant en exergue, au choix, la qualité du jeu, l’émergence d’un certain esprit d’équipe, les inévitables fautes d’arbitrage, l’aspect bénéfique, ludique ou pourri du football, et le réel amusement que les jeunes en retirent. Conversations de comptoir, répétées de semaine en semaine, de buvette enfumée à club house calfeutré? Peut-être, mais l’Union belge a décidé de leur prêter attention.

Plus précisément, dans le cadre d’une vaste étude sur la formation des jeunes footballeurs belges, entreprise à la demande de l’URBSFA, deux chercheurs de la VUB viennent d’achever une enquête de deux ans auprès de jeunes joueurs, de leurs parents et de leurs entraîneurs. Ils ont ensuite visité des clubs de première et deuxième division, interrogé leurs responsables et écouté les experts. Pour compléter le tout, des spécialistes attachés à la fédération ou indépendants y ont ajouté leur grain de sel, puisqu’il est dans l’intérêt de chacun d’entre eux que le football reconnaisse et renouvelle ses talents. A tous les échelons, une seule préoccupation guide les chercheurs: déceler les forces et les faiblesses de la formation des jeunes footballeurs belges. Pour l’améliorer.

« Le développement de qualité des talents est d’une importance cruciale pour l’avenir du football belge », clament nos instances footballistiques, précisant encore que, « sans jeunes joueurs suffisamment formés, la compétition nationale ne peut être attractive, ce qui hypothéquera l’avenir des clubs ». Des phrases n’usant aucun conditionnel diplomatique, reflétant ainsi une réelle inquiétude.

« Il nous fallait un instrument pour pouvoir évaluer le niveau de la formation, soutient Nicolas Cornu, porte-parole de l’URBSFA. Nous ne partions d’aucun préjugé ».

Annoncé par l’URBSFA avec force optimisme, le programme QIKFoot (Souci de qualité intégrale au sein de la formation de jeunes du football – Integrale kwaliteitszorg in de jeugdopleiding van het voetbal), a donc été conçu par les chercheurs de la VUB afin d’instaurer un contrôle permanent de qualité sur la formation des jeunes footballeurs, à l’aide d’un outil informatisé. Il s’agit de ationaliser à l’extrême des efforts individuels effectués jusqu’ici, avec sérieux et passion, certes, mais dans un marasme de liberté et d’individualismes. « Certes, nous contrôlons déjà, notamment, le niveau de la formation des entraîneurs qui doivent posséder un diplôme reconnu par l’Union belge et par l’UEFA, indique Nicolas Cornu, mais, en ce qui concerne le contenu ou la modalité des entraînements, chacun fait ce qu’il veut. »

Au terme de l’étude, pas moins de 290 critères d’appréciation ont été dégagés, qui devraient permettre d’évaluer les clubs formateurs sous toutes leurs facettes: organisation, infrastructure, aide aux jeunes pour leurs études, méthodes de communication et efficacité, celle-ci étant évaluée sur la base de données objectives, telles que le flux des joueurs, le nombre de sélections ou le palmarès. Après avoir passé une moyenne de six heures dans les 12 clubs de première ou deuxième division observés dans la première phase de l’étude, les concepteurs du projet ont élaboré un modèle informatique, actuellement mis à l’épreuve à Anderlecht, La Gantoise, Antwerp, Eupen et Zulte-Waregem, dans le cadre d’une expérience-pilote. « Cet outil est spécialement conçu pour les clubs de première et de deuxième division, insiste le communicateur de l’Union belge, parce qu’ils sont les plus concernés par la formation des jeunes et parce qu’il est plus facile de comparer des entités de force identique. Les autres clubs possèdent des moyens moindres ». Et pour ces derniers, d’autres acitons ont été placées au programme.

Si fastidieux soit-il, le jeu devrait en valoir la chandelle, puisqu’au terme du contrôle chaque club, rappelé « à sa fonction première » de formation des jeunes et à sa « raison d’existence » (former les jeunes afin de les encourager à rejoindre l’équipe fanion), comme le rappelle l’Union, devrait recevoir son propre label de qualité, décliné avec plus ou moins d’honneurs en fonction du nombre de bons points récoltés. Etiquetés, pour la crème des écoles, « summa cum laude », ou, pour tous les autres, centre de formation « avancée », « convenable », et « en développement », selon les résultats, il leur restera la possibilité – ou la forte recommandation – de suivre les conseils délivrés dans la foulée par l’Union qui, jure-t-elle, met en oeuvre cette lourde machine dans le seul but d’assister les équipes dans leur recherche de qualité. « Aux clubs qui obtiennent un bon score seront aussi accordés plus de moyens financiers », révèle enfin le porte-parole de l’Union belge, à titre d’ultime élément incitatif.

Carline Taymans

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