La nouvelle donne israélienne

C’est une chance pour la Raison, une évolution aussi importante que celle qu’avait introduite, chez les Palestiniens, le remplacement de Yasser Arafat par Mahmoud Abbas. Hier, Ariel Sharon, ce nouveau Sharon qui a décidé d’entrer dans l’Histoire comme l’homme qui aura fait la paix, était bridé par son aile droite. Maintenant qu’il rompt avec le Likoud, quitte ce parti du Grand Israël et va conduire un nouveau parti à de nouvelles élections, le voici libre de ses mouvements.

Il pourra, désormais, aller plus loin que le retrait de la bande Gaza, sortir Israël du piège mortel de l’occupation et l’inlassable combattant du dialogue qu’est Yossi Beilin ne s’y est pas trompé. Auteur, avec les plus visionnaires des Palestiniens, du plan de règlement signé sous le nom d' » accords de Genève « , il déclarait, lundi, que s’ouvrait là  » une vraie possibilité de créer une coalition conduite par le camp de la paix et comprenant d’anciens membres du Likoud qui ont compris qu’ils s’étaient trompés pendant trente-huit ans.  »

Pique à part, les collaborateurs d’Ariel Sharon ne disent pas autre chose. Si le Premier ministre n’avait pas l’intention de poursuivre le désengagement des territoires occupés, expliquent-ils, il serait resté au Likoud et  » n’aurait pas pris de risques « .

Car le fait est qu’Ariel Sharon en prend, et de grands. De la droite à la gauche, son pari crée l’occasion de faire converger les anciens et les nouveaux partisans d’un compromis territorial, mais, pour lui, les difficultés commencent.

Aujourd’hui, les sondages le donnent gagnant, car il est l’homme politique le plus populaire du pays et une écrasante majorité des Israéliens est prête à de vraies concessions pour peu que les Palestiniens jouent pleinement le jeu d’une reconnaissance mutuelle.

Aujourd’hui, la Responsabilité nationale, son nouveau parti, devrait devenir le premier de la future Knesset, mais au jour du vote ?

En sera-t-il toujours ainsi dans trois mois ?

Ce n’est pas garanti, car ces élections se joueront aussi sur l’économie. Masqué par la deuxième Intifada, le mécontentement social est en effet redevenu un facteur politique déterminant depuis l’accalmie introduite par l’évacuation de Gaza. C’est lui qui a permis, au début de novembre, au très combatif patron de la centrale syndicale Histadrout, Amir Peretz, de prendre les commandes du Parti travailliste et de rompre l’accord de coalition que son prédécesseur, Shimon Peres, avait conclu avec Ariel Sharon.

Comme partout, la scène politique israélienne est de plus en plus polarisée entre régulateurs et libéraux. La droite du Likoud incarnant le laisser-faire à Jérusalem, Ariel Sharon devra savoir définir une troisième voie sociale pour n’être pas laminé par ces deux blocs. Ce n’est nulle part le plus aisé, pas plus en Israël qu’en Europe, et la seconde difficulté de ce joueur de poker sera de faire campagne sur la paix, alors que le Hamas va progresser aux législatives palestiniennes de janvier.

Rien de tout cela n’est insurmontable mais rien n’est joué.

Bernard Guetta

Sharon troque le Grand Israël contre un grand camp de la paix. Chapeau bas !

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