La mamma de la droite

A 55 ans, la très conservatrice représentante du Minnesota rêve de succéder à Sarah Palin comme héroïne du Tea Party, l’aile populiste du Parti républicain. Elle est entrée dans la course aux primaires républicaines de 2012.

L’air de famille est indéniable. Ce ne sont pas seulement ses cheveux sombres gambadant sur le col du tailleur chic, ni sa voix de maman fâchée quand elle parle du déficit budgétaire, du mariage gay ou de la réforme de l’assurance santé, ce  » joyau de la couronne socialiste « à Même les torrents d’applaudissements, ce 11 avril, dans le gymnase d’une école chrétienne près de Des Moines, dans l’Iowa, rappellent les meilleures heures de la campagne présidentielle du Parti républicain, en 2008, à l’époque où une diva politique venue d’Alaska affolait Washington et annonçait le retour aux  » vraies valeurs « . Mais Sarah Palin n’est pas là, trop occupée, sans doute, à vendre ses best-sellers et à préparer des documentaires télévisés sur les charmes de son Etat. Peu importe. La petite dame au visage juvénile, plantée à la tribune, mère de cinq enfants comme Sarah, n’a de leçons à recevoir de personne pour se faire un nom et semer à son tour le chaos dans la vie politique américaine.

Michele Bachmann a fêté ses 55 ans, le 6 avril, sur le parvis du Congrès de Washington en organisant un rassemblement de ses supporters du fameux Tea Party, l’aile droitière et populiste du Parti républicain, dont elle vient de fonder le nouveau groupe parlementaire à la Chambre des représentants. Elue en 2006, puis réélue dans le 6e district du Minnesota, un district de banlieues résidentielles et de petits bourgs ruraux proches de Minneapolis, dans le Midwest, elle hante depuis janvier les salles des fêtes et les préaux de l’Iowa et du New Hampshire, deux Etats clés pour les primaires de la présidentielle de 2012.

Le 20 juin, lors d’un débat télévisé au New Hampshire, elle a confirmé sa candidature aux primaires républicaines en vue de l’élection présidentielle de 2012. Les sondages ne lui accordent que 10 % d’opinions favorables ; elle est reléguée derrière Mitt Rowney, l’ancien gouverneur du Massaschusetts et candidat malheureux aux primaires de 2008, et Newt Gingrich, le vétéran de la révolution conservatrice. Et pourtant… Avec ses 23 % d’intentions de vote parmi les évangéliques et les militants de droite, deux groupes décisifs en période électorale, elle détient un vrai pouvoir. Celui d’attiser la guerre qui déchire en coulisse le Parti républicain, entre notables washingtoniens qui s’autoproclament  » adultes « , d’une part, et insurgés du Tea Party élus au Congrès en novembre 2010, d’autre part.  » Si elle se présente, les républicains n’auront pas d’autre solution que de surenchérir à droite, se réjouit Peter Fenn, consultant démocrate. C’est bon pour nous, mais consternant pour l’Amérique. « 

Le scénario n’a rien de fantasque : Michele Bachmann a reçu l’année dernière plus de 13 millions de dollars de fonds électoraux de la part de petits donateurs, un pactole sans précédent dans l’histoire de la Chambre des représentants. Les 3 millions engrangés depuis janvier confirment qu’elle est dans la course.

Pionnière du glamour réac, Palin décline

Sarah Palin l’avait adoubée en personne, en 2010, au sein d’un club de candidates conservatrices nommé, Alaska oblige, les  » Mamas Grizzlies « , en raison de leur féroce défense des valeurs traditionnelles. Mais voilà que la dauphine concurrence aujourd’hui son inspiratrice. Sarah décline : sa légende nordique et son authenticité rurale sont devenues les fonds de commerce d’un business dans l’édition et la télévision. La pionnière du glamour réac a perdu ce qu’il lui restait de crédibilité.

Aux yeux de ses fans, Michele, quant à elle, serait une vraie de vraie –  » the real thing « . Elevée dans la foi luthérienne par une mère divorcée et employée de banque, l’enfant sage s’est découverte républicaine à 16 ans, en lisant un roman historique de Gore Vidal, trop irrévérencieux, aux yeux de l’adolescente d’alors, à l’égard des pères fondateurs des Etats-Unis. Son propre parcours a commencé en 1993 lorsque, abandonnant sa carrière de juriste aux services des impôts pour ouvrir un centre de thérapie chrétienne avec son mari, Marcus Bachmann, cette mère de famille a rejoint les influents conseils locaux de parents d’élèves, en lutte contre la  » décadence morale  » de l’enseignement public. Comme les autres  » Mamas Grizzlies  » républicaines, son initiation a débuté là, sur le terrain, dans des forums locaux hostiles aux lointains technocrates de Washington et à l’élite urbaine. Son credo antiavortement, forgé avec Marcus pendant leurs séances de prières devant les cliniques d’IVG de sa région, ne se borne pas à la rhétorique : le couple est connu pour avoir servi de famille d’accueil àà 23 enfants placés ou abandonnés à la naissance. Son hostilité au diktat de l’Etat l’a même amenée à condamner la campagne de Michelle Obama pour l’allaitement maternel et le retrait du marché des ampoules à incandescence, qui seraient autant de complots liberticides.

Ses bourdes, aussi, font du bruit. Membre de la commission du Renseignement à la Chambre, elle ne se risque guère sur les sujets de politique étrangère. Restent les affaires intérieuresà A l’entendre parler d’environnement, on apprend que le  » gaz carbonique est inoffensif « . Dans le domaine des finances publiques, elle assure que la  » Bible préconiserait un impôt de 10 % sur le revenu « . Ces fausses notes ne perturbent pas ses admirateurs, qui y voient la rançon de sa spontanéité.

Au contraire de Palin, longtemps entourée d’une meute de précepteurs et de conseillers, la nouvelle star du Tea Party a congédié ou poussé à bout quelque cinq directeurs de campagne depuis 2006. Elle ne prend réellement conseil qu’auprès de Marcus et d’un de ses fils, médecin. En clair, elle n’écoute qu’elle-même. Reste à savoir si l’Amérique veut, pour sa part, entendre une nouvelle Sarah Palin.

DE NOTRE CORRESPONDANT PHILIPPE COSTE

Avec 23 % d’intentions de vote parmi les évangéliques et les militants de droite, deux groupes décisifs en période électorale, elle détient un vrai pouvoir

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