La mafia de Sofia inquiète l’Union

L’incapacité de la Bulgarie à lutter contre le crime organisé nuit à ses chances d’adhésion à l’UE dans un an

En Bulgarie, ce sera le feuilleton de l’année 2006. Une histoire à suspense autour d’une question essentielle : le pays intégrera-t-il l’Union européenne, comme prévu, le 1er janvier 2007 ? Près de 8 millions d’habitants en rêvent, comme leurs voisins roumains. Reste à savoir si l’Europe est toujours disposée à les accueillir…

Huit pays membres, dont l’Italie et l’Espagne, ont déjà ratifié le traité d’adhésion. Les autres sont appelés à le faire dans les mois à venir. Mais une crainte, perceptible à Bruxelles et à Strasbourg, pèse sur cette procédure : celle d’adouber un candidat en partie gangrené par le crime organisé.

En octobre 2005, la Commission européenne a certes salué les progrès de la Bulgarie dans bien des domaines et souligné son essor économique (croissance de 5,5 % espérée en 2006), mais elle a aussi exprimé ses doutes sur sa capacité, voire sa volonté, à combattre le crime et la  » corruption de haut niveau « . La Commission exigeait des  » mesures immédiates « , en rappelant au passage que l’intégration pouvait être repoussée d’un an.

Le spectre des groupes mafieux existait déjà en 2000, à l’ouverture des négociations d’adhésion. Depuis, Sofia a souvent promis d’agir. Sans grands résultats. Le nouveau Code de procédure pénale, adopté à la fin de 2005, est jugé peu fiable par les experts étrangers. Quant aux truands locaux, ils n’ont jamais paru si puissants.

Certains, enrichis grâce aux privatisations, sont désormais hommes d’affaires. D’autres prospèrent dans le proxénétisme (en France, en Belgique, en Allemagne…), les faux euros ou le trafic de cigarettes. La population les surnomme les mutri, autrement dit les  » gueules de voyou  » : cheveux ras, regard sombre, cou de taureau et manières de parvenus.

Le 26 octobre, un assassinat a choqué le pays : celui d’un banquier de renom, Emil Kyulev, tué dans sa voiture en plein Sofia. Un  » contrat « , sans doute : le ministère de l’Intérieur affirme en avoir recensé 157, dans les lieux publics, depuis 2000.

Le tueur d’Emil Kyulev n’a pas été arrêté. Le sera-t-il un jour ? Si les policiers et les magistrats d’Europe de l’Ouest estiment que la Bulgarie coopère bien aux dossiers internationaux, ils constatent que les affaires intérieures, gérées par une justice déficiente et corruptible, aboutissent rarement.

A l’approche de 2007, la Bulgarie peine donc à soigner son image.  » Le problème du crime organisé est réel, admet l’ambassadrice de Bulgarie à Paris, Irina Bokova, mais pas davantage que chez d’autres membres récents de l’UE. Surtout, il occulte, dans les médias, les nombreux points positifs. Ce traitement me semble injuste. Certains ont peut-être trouvé là une excuse pour nous écarter. Je reste malgré tout optimiste.  »

Philippe Broussard

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