La ligne rouge

Au Japon, les Diables Rouges devront se méfier du coach un peu spécial du Chili, l’équipe montante d’Amérique latine.

L’appellation Roja de todos (la Rouge de tout le monde) fait référence à cette couleur qui est celle du maillot de l’équipe nationale et donne immédiatement à penser que la sélection chilienne est populaire au pays de Pablo Neruda. Et elle l’est, effectivement. Alors que le championnat local, en-dehors des deux grands clubs que sont Colo Colo et l’Universidad de Chile, draine une moyenne de 3 à 4.000 supporters par rencontre, l’équipe nationale joue régulièrement devant un parterre de 50 à 60.000 personnes. En réalité, l’ensemble de la population fait bloc autour de la Seleccion qui, sous la houlette de l’Argentin Marcelo Bielsa, laisse augurer un bel avenir. Dans le cadre de la prochaine Coupe du Monde en Afrique du Sud, le Chili occupe, à six journées de la fin des éliminatoires, la troisième position au classement. Derrière le Paraguay et le Brésil, mais juste devant l’Argentine. Ceci dans une poule unique, qui regroupe les dix pays sud-américains.

Le Chili a une chance réelle de se qualifier pour ce prochain mondial, car si tout le monde est convaincu que le Paraguay, le Brésil et l’Argentine sont quasi partants certains, le Chili, dont le programme final est assez avantageux, devrait devancer l’Uruguay et terminer à la quatrième place qualificative. Lorsque l’on parle de l’avenir de l’équipe chilienne, on se réfère surtout à deux éléments très importants, voire essentiels : tout d’abord, l’équipe actuelle a la moyenne d’âge la plus basse de toutes les sélections nationales sud-américaines (elle tourne autour de 23-24 ans) et ensuite le choix de l’entraîneur argentin, Bielsa, a été très judicieux.

L’équipe et ses vedettes

Dans l’équipe d’aujourd’hui, il n’y a plus de grandes figures connues comme IvanZamorano, l’ex-attaquant du Real Madrid et de l’Inter Milan, ou MarceloSalas, ex-buteur de la Lazio Rome et de la Juventus. Ni comme les anciennes gloires que furent Leonel Sanchez, Elias Figueroa ou Carlos Caszely. Par contre, il y a une kyrielle de jeunes joueurs dont la majorité est issue de la sélection nationale des moins de 20 ans, qui a terminé troisième des championnats du monde en 2007 au Canada. Les plus connus sont Matias Fernandez (22 ans, meneur de jeu, Villarreal), Mark Gonzalez (24 ans, ailier gauche, Betis Seville), Mauricio Isla (20 ans, défenseur, Udinese), Arturo Vidal (22 ans, défenseur, Bayer Leverkussen), CarlosCarmona (22 ans, défenseur, Reggina), sans oublier l’explosif et déroutant ailier droit d’Udinese, Alexis Sanchez. Ce véritable petit virtuose, à peine âgé de 21 ans, serait convoité par Manchester United. Si la sélection chilienne possède également, un excellent gardien de but, Claudio Bravo (24 ans Real Sociedad), elle a un problème au poste d’avant centre où il n’y a pas pléthore. Le titulaire en est pour le moment Humberto Suazo, qui évolue à Monterrey, au Mexique.

Le Chili d’aujourd’hui, c’est avant tout un esprit. Un formidable esprit de corps. C’est une équipe qui joue avec ses tripes, pour ses couleurs nationales et qui ne baisse jamais les bras. Tant à domicile qu’en déplacement. Et tout le mérite en revient à la philosophie de son maître tacticien, Bielsa surnommé El Loco, le Fou.

Ce sobriquet aurait plusieurs explications comme, pour certains, un comportement parfois imprévisible, mais il faut retenir essentiellement le contenu d’un texte qui figurait sur une banderole de supporters lors d’une rencontre en Argentine. Il disait ceci :  » Un homme avec des idées nouvelles est un fou jusqu’au moment où ses idées triomphent « . C’est le cas de Bielsa, fils d’une famille d’intellectuels, composée d’avocats et de juges et dont le frère aîné a même été ministre des Affaires étrangères, qui a orienté sa carrière différemment en optant pour sa passion. Bielsa a toutefois obtenu au passage un diplôme de professeur d’éducation physique.

Après avoir commencé sa carrière d’entraîneur avec Newell’s Old Boys de Rosario, sa ville natale, il prit en charge une série de clubs, en Argentine et au Mexique, avant de remplacer DanielPassarella à la tête de l’équipe d’Argentine. Sélection qu’il dirigea de 1998 à 2004. Il qualifia celle-ci pour la Coupe du Monde de 2002, au Japon, mais cette dernière ne passa pas le premier tour malgré la présence de joueurs vedettes tels GabrielBatistuta, HernanCrespo et Juan SebastianVeron. En 2004, son équipe perdit la finale de la Copa America contre le Brésil, mais remporta pour la première fois l’or olympique à Athènes.

Le technicien argentin décida alors, unilatéralement, de quitter sa fonction et de prendre un peu de recul, après six années à la tête des sélections nationales argentines seniors. On le retrouve ensuite, à 52 ans, en août 2007, à la tête de la sélection nationale chilienne. C’est un nouveau défi pour lui. Sa forte personnalité, associée à son sens de l’innovation, l’amène à prendre immédiatement une série de décisions qui seront déterminantes pour la suite de la campagne pour la Coupe du Monde 2010 : élimination ou mise à l’écart temporaire des fortes têtes, majorité des entraînements à huis clos et toujours filmés, jamais d’interview individuelle avec un journaliste mais longues et minutieuses conférences de presse.

La tactique et une équipe nationale B au Japon

La philosophie de Bielsa en matière tactique repose sur deux grands principes. D’abord, confiance totale aux éléments jeunes, s’ils possèdent le talent nécessaire, et, ensuite, priorité totale au football d’attaque. Ainsi, en éliminatoires de la Coupe du Monde, sur un total de 20 points, récoltés en 12 rencontres, le Chili en a récolté 10 en déplacement. La sélection de Bielsa joue pour gagner tant à domicile qu’en déplacement. Et même, à dix contre onze comme lors de son dernier match contre l’Uruguay, à Santiago. Réduite à dix joueurs, dès la 34e minute, la Roja n’en a pas moins défendu chèrement sa chance et a même failli l’emporter en fin de match.

Et puis, il faut souligner sa victoire historique contre l’Argentine (1-0), après avoir sérieusement malmené les Messi, Tevez et Mascherano. Dans ses préparations tactiques, Bielsa consacre l’essentiel de son travail aux mouvements offensifs. Pour lui, défendre tient en quelques règles alors que la créativité offensive est infinie. Son système est quasi toujours basé sur un 4-3-3, avec des ailiers très véloces, comme Alexis Sanchez, et l’équipe est particulièrement redoutable en contre-attaque lorsqu’elle est dominée.

Compte tenu de l’antagonisme qui existe entre l’Argentine et le Chili, depuis leur indépendance respective, la presse chilienne, vite encline à critiquer tout ce qui est argentin, n’en a pas moins beaucoup de respect pour cet homme qui gère admirablement sa ligne de conduite, sans concessions.

Ceci dit, la Kirin Cup ne tombe pas au meilleur moment pour l’équipe chilienne. D’une part, parce que les playoffs du championnat national vont commencer. D’autre part, de nombreux internationaux évoluant à l’étranger doivent encore jouer un ou deux matches de championnat avec leurs clubs respectifs. Enfin, deux très importantes rencontres de Coupe du Monde se profilent. Elles amèneront le Chili à affronter le Paraguay, le leader du moment, à Asuncion, le 6 juin et la Bolivie, à Santiago, le 10. Au Japon, Bielsa fera tourner son noyau (18 joueurs, essentiellement locaux) et testera certains nouveaux éléments.

rene taelman à santiago du chili

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