La justice monte sur le terrain

Alexandre Charlier
Alexandre Charlier Journaliste sportif

Les championnats de football de D 2 et D 3 ont été annulés le week-end passé. Namur, Geel et les juristes font trembler l’Union belge.

Le président de l’Union belge de football, François De Keersmaecker, n’a pas accompagné, en milieu de semaine, les Diables rouges au Kazakhstan. Non, il ne déteste pas l’avion. Il n’est pas non plus en froid avec René Vandereycken, sélectionneur national et fin dénicheur de sponsors. En réalité, un nouveau foyer d’incendie s’est déclaré dans sa maison de verre, le siège de l’Union belge. Où les réunions de la dernière chance se succèdent pour sortir la fédération d’un fameux bourbier juridico-sportif.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, la volonté est de faire accepter par tous un championnat de division 2 à 19 clubs, intégrant les clubs de Namur et Geel, les deux vilains petits canards…

Namur a, en effet, obtenu de la justice civile (le président du tribunal des référés de Namur) de pouvoir jouer en D 2, au même titre que Geel. La décision, rendue publique vendredi, a surpris la plus grande fédération sportive du pays. Sous la menace financière (75 000 euros d’astreinte par jour de retard en faveur de l’UR Namur), l’Union belge décida de suspendre illico les compétitions en D 2 et D 3.

Comment sortir de l’impasse ? Là est la question. Même le juriste (de formation) qu’est De Keersmaecker était en peine de pouvoir répondre. Quand bien même une solution pouvait être trouvée entre les nombreuses parties concernées (clubs et ligues), elle risquerait d’être balayée par de nouveaux recours. Alors que l’Union, aujourd’hui aculée, refusait, début juillet, d’organiser ce championnat à 19, elle plaide désormais pour cette moins mauvaise des formules.

 » Le football belge est dirigé par des amateurs !  » estime Roger Blanpain, professeur émérite en droit du travail à la KUL (Katholieke Universiteit Leuven). Blanpain affirme que le règlement de l’Union belge est dépassé, qu’il ne répond plus à la réalité du football d’aujourd’hui, considéré sous sa dimension économique et sociale. Les juristes apprécieront… Reste que l’immixtion de la justice civile dans les sphères sportives est grandissante et pose de plus en plus de problèmes. Une solution aurait pu être trouvée via le tribunal belge d’arbitrage du sport, une institution créée par le COIB. Cette procédure, encouragée par l’Urbsfa (Union royale belge des sociétés de football-association), nécessitait un accord explicite des parties concernées. Namur y opposa un non catégorique. Et la crise, provoquée initialement par une décision de la Commission d’appel des licences de l’Union belge, favorable à Geel, a ainsi éclaté… après trois journées de compétitions en D 2 et D 3.

Le foot belge, qui entrevoyait la lumière après le comportement irréprochable de ses Espoirs à l’Euro des Pays-Bas, traverse ainsi une nouvelle période difficile, annoncée par l’élimination précoce de Genk et d’Anderlecht en Ligue des champions. L’Union belge se serait volontiers passée de cette mauvaise pub au moment où la KNVB, son alter ego néerlandais, a reçu l’appui financier du gouvernement batave pour concrétiser le dossier de candidature à l’organisation de la Coupe du monde 2018, en association avec la Belgique.

Au pays de Jean-Marc Bosman, on sait que les hommes de loi sont devenus des acteurs incontournables du sport. Avec certaines dérives, parfois. En mars dernier, Jozef Allijns, président du club de Courtrai, juriste comme il se doit, avait intenté une action en référé contre l’arbitre Stijn Hutsebaut, coupable, à ses yeux, d’avoir distribué trop de cartons jaunes à son équipe contre l’AFC Tubize. La D 2, déjà… Le juge des référés du tribunal de première instance de Bruxelles avait estimé la plainte irrecevable. On avait failli être la risée du monde entier. Et De Keersmaecker n’y aurait été pour rien.

Alexandre Charlier

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