La guerre au plagiat est déclarée

Fanny Bouvry

Avec le développement fulgurant d’Internet, les étudiants sont tentés d’abuser de plus en plus du  » copier-coller « . Dans chaque université, les facultés fourbissent leurs armes pour traquer les  » voleurs « …

Etudiante en journalisme, Fleur est sur le point de crier  » Ouf !  » Après plusieurs mois d’acharnement, elle va enfin achever ce fameux mémoire de fin d’études. Le plagiat, elle sait ce que c’est. A l’Institut des hautes études de communications sociales (Ihecs), à Bruxelles, elle a bénéficié d’un véritable coaching pour l’éviter.  » Les profs sont très à cheval : nous avons eu tout un cours rien que sur la bibliographie. Comme journaliste, c’est important de respecter les sources…  » Vanessa, étudiante en kiné à l’UCL, est nettement moins au courant :  » On nous en a parlé un quart d’heure et on nous a rappelé que le plagiat était interdit, sans plus. Mais nos mémoires consistent surtout en une analyse de résultats ; cela se prête difficilement au plagiat.  »

Avec l’avènement d’Internet, la problématique du plagiat est devenue, en quelques années, la bête noire des professeurs. A l’université de Gand et à l’UCL, des logiciels de détection du plagiat devraient être généralisés sur tout le campus d’ici à l’an prochain. Mais, en Communauté française, la lutte contre le plagiat est encore laissée à l’appréciation de chaque faculté…

Le département  » Info-com  » (journalisme et communication) de l’ULB est l’un des premiers à avoir testé un logiciel antiplagiat. Depuis 2005, les étudiants remettent une version électronique de leur travail qui est ensuite envoyée vers un site Web. Ce dernier épluche le mémoire et établit un taux de similitude avec les sources en ligne. Quand ce taux est élevé, les assistants examinent eux-mêmes si toutes les sources ont été mentionnées et si les guillemets encadrent toujours les citations. Une centaine de mémoires sont ainsi scannés chaque année en Infocom, parmi lesquels seulement 1 à 1,5 % sont incriminés de plagiat.  » Ce programme a révélé que le vrai plagiat était plutôt rare, mais qu’il y avait des étudiants qui appliquaient mal le référencement bibliographique « , constate Jérémy Depauw, doctorant dans la filière Infocom. Le logiciel est donc utilisé avant tout à des fins pédagogiques.  » Je compare souvent ce logiciel à un radar fixe. Cela fait partie de notre mission éducative : si les étudiants voient que le « copier-coller  » leur réussit, ils seront tentés d’y avoir recours aussi dans leur vie professionnelle « , insiste le Pr François Heinderyckx, qui a mené le projet à l’ULB. La faculté de philosophie et lettres continue d’ailleurs d’innover. Depuis cette année, par exemple, les étudiants d’Infocom doivent rendre un  » carnet de bord de leur recherche « . On leur demande d’y indiquer, de façon détaillée, leur manière de travailler :  » J’ai été ce 30 mai à la bibliothèque, j’y ai trouvé tel livre, j’ai consulté tel site…  » Un journal qu’il est difficile d’inventer de toutes pièces quand on se rend coupable de plagiat !

A l’UCL, un logiciel antiplagiat a lui aussi été testé avec succès, dans le cadre d’un séminaire de travail universitaire en première année de gestion. L’université souhaiterait évaluer la possibilité d’utiliser ce programme pour tous les travaux d’étudiants.  » Cela coûte 400 euros pour 500 crédits, ce qui permet de scanner environ 150 mémoires. Il y a des programmes moins chers mais un tel projet n’est jamais bon marché « , note Géraldine Thiry. Un frein financier sur lequel insiste également Marc Lits, professeur à l’Ecole de journalisme louvaniste.  » Pour respecter l’équité, il faudrait analyser tous les travaux et ne pas procéder uniquement à des coups de sonde. Il faudrait engager du personnel à temps plein.  »

En journalisme, on se contente donc encore de méthodes empiriques, sans faire appel à un logiciel.  » Le professeur peut être attiré par une rupture de style. Dans ce cas, il va taper le passage suspect sur Google, et peut-être trouver le texte plagié. Evidemment, ce sont surtout les étudiants maladroits qui se font attraper. Certains recomposent le texte : ils sont alors plus difficile à repérer.  »

A l’échelle de l’UCL, une réflexion globale sur le plagiat est en train de se dessiner. Depuis plusieurs mois, des professeurs cherchent des solutions.  » Nous prônons un meilleur accompagnement des élèves. S’ils attendent la dernière seconde pour se mettre à leur travail, ils seront davantage tenté d’utiliser les services de Google « , explique Jean-François Rees, professeur en biologie et coresponsable du projet sur le plagiat. Le groupe de recherche propose aussi que chaque étudiant remplisse une déclaration dans laquelle il s’engage à ne pas plagier. Et le logiciel ?  » Nécessaire, mais pas suffisant, répond Jean-François Rees. Il serait difficile de scanner quelque 100 000 travaux par an. Et il faudrait aussi tenir compte des études en question. Dans un travail de droit, le taux de similitude sera très élevé puisque les étudiants doivent parfois réécrire des textes à la virgule près. Il faudrait que le logiciel puisse ignorer ces sources.  » L’idée serait plutôt de concevoir dans l’enceinte de l’université un nouvel outil qui pourrait, par la suite, être largement diffusé.  » Il pourrait même être appliqué dans l’enseignement secondaire. Car c’est là qu’il faut apprendre aux élèves à exploiter correctement les sources !  »

Fanny Bouvry

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire