La guerre à hauteur d’homme

Sam Mendes revisite la première guerre du Golfe dans Jarhead, film original et grinçant, où Jake Gyllenhaal incarne de façon mémorable un jeune des marines

(1) Jarhead. Un écrivain-soldat dans la guerre du Golfe, Calmann-Lévy, 273 p.

Engagez-vous « , qu’ils disaient,  » Vous verrez du pays.  » Anthony Swofford, tout juste 20 ans, a rejoint le corps des marines américains, et arbore désormais la fameuse coupe en  » tête de jarre  » dont les soldats ont fait leur surnom. Très vite, le  » jarhead  » Swofford se demande s’il a bien fait d’endosser l’uniforme. L’entraînement très dur et violent, les rites de passage imposés par les  » anciens « , la perspective de s’en aller voir du pays dans le Golfe où l’occupation du Koweït par l’Irak fait monter les rumeurs d’intervention armée des Etats-Unis et de leurs alliés : rien de très drôle là-dedans, même si l’ambiance entre les hommes se fait progressivement plus complice, sinon chaleureuse. Une fois débarqué sur le sol moyen-oriental, celui qu’on appelle désormais par son diminutif, Swoff, va découvrir que, si la guerre est un enfer, l’attente qui la précède n’est pas non plus une partie de plaisir…

Adaptation réussie du livre autobiographique paru en 2003 aux Etats-Unis avec un grand succès et traduit en français l’année suivante (1), Jarhead est un passionnant récit d’apprentissage, évoquant la perte d’une certaine innocence et dévoilant le visage généralement caché d’une guerre dont les médias américains ont évidemment donné une tout autre image. Sam Mendes, dont le phénoménal American Beauty et le poignant Road to Perdition révélèrent le très grand talent de cinéaste, a choisi de filmer à hauteur de fantassin, négligeant les habituels plans larges dits  » d’exposition « , pour nous mettre au niveau de Swoff et de ses camarades, au c£ur de l’action ou… de l’inaction tant la bataille annoncée tarde à se déclencher pour de bon.

Saisissant, le spectacle mêle l’ironique et le profond avec une belle vigueur et un vrai style qui ne distrait pas du propos mais le sert avec efficacité. Dans le rôle principal, Jake Gyllenhaal confirme les promesses de Donnie Darko, au sein d’une remarquable distribution où brille particulièrement Peter Sarsgaard dans le rôle de Troy, l’équipier cynique de Swoff dans le commando de tireurs d’élite où celui-ci a fini par trouver sa place. L’observation de la vie quotidienne des marines, de leurs élans belliqueux (ce sont tous des engagés volontaires) mais aussi de leurs doutes et de leur amertume, voire de leur ennui, est singulièrement réussie. Et s’il donne matière à émotions, Jarhead ouvre aussi la voie d’une réflexion critique, le plaçant dans la forte tradition d’£uvres comme le stupéfiant Voyage au bout de l’enfer de Cimino, l’ambigu Platoon d’Oliver Stone et l’élégiaque La Ligne rouge de Terrence Malick.

L.D.

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