La fin de l’hiver nucléaire en Europe

La Belgique n’est pas la seule à renouer avec l’atome. Vingt-trois ans après Tchernobyl, le nucléaire revient en force dans la plupart des pays européens.

Le 5 septembre dernier, à Berlin, plus de 50000 manifestants ont exigé l’abandon rapide de l’énergie nucléaire en Allemagne. Il s’agissait de la plus grosse manifestation sur ce thème chez nos voisins de l’est, depuis l’explosion de la centrale de Tchernobyl en 1986. Il faut dire que l’avenir du nucléaire a électrisé la campagne pour les législatives du 27 septembre. Des élections remportées par la CDU d’Angela Merkel et les libéraux du FDP. La nouvelle coalition de centre-droit compte revenir sur le programme d’abandon total du nucléaire voté en 2002, sous le gouvernement social-démocrate et vert de Gerhard Schröder.

En raison de la crise, l’Allemagne semble ne plus vouloir s’affranchir de cette source d’énergie qui fournit 24 % de son électricité, alors que les énergies renouvelables en fournissent actuellement 15 %. Dans un pays où les antiatome ont su imposer leurs arguments avec une rare pugnacité, ce revirement est symbolique. Il va certainement désinhiber la Commission européenne, de plus en plus sensible au retour de l’atome civil. Jusqu’ici, celle-ci avançait à pas de loup pour ne pas froisser les capitales qui, comme Berlin, avaient officiellement renoncé au nucléaire.

Désormais, le grand retour du nucléaire se généralise en Europe. En janvier 2008 déjà, le Royaume-Uni décidait la construction de nouvelles centrales. En France, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a donné son feu vert, début juillet, pour augmenter à quarante ans la durée d’exploitation des 34 réacteurs d’EDF. Les ingénieurs travaillent d’ores et déjà pour porter la durée à soixante ans. En Espagne, le permis d’exploitation de la centrale de Garona, la plus ancienne du pays, devait expirer en juillet : il a été prolongé de deux ans.

L’Italie, qui ne dispose d’aucune centrale, a également décidé de se lancer dans l’énergie nucléaire dont la production était interdite depuis le référendum de 1987. Avec dix centrales opérationnelles à partir de 2018, Silvio Berlusconi espère produire, dès 2030, un quart des besoins italiens en électricité grâce à l’atome. Même la Suède, qui devait terminer le démantèlement de son parc nucléaire d’ici à 2010, a inversé la vapeur et relancé la recherche d’uranium dans le nord du pays.

Les Etats invoquent la protection de l’environnement pour justifier leur choix de revenir au nucléaire. Le temps de développer les énergies renouvelables… Mais, en France, le déploiement du réseau des éoliennes bat déjà de l’aile. L’objectif de produire 20 000 mégawatts à l’horizon 2020 ne sera pas tenu dans les délais. En cause : les contraintes techniques et l’hostilité de certains départements qui prétendent être suffisamment couverts. En Suède aussi, si le sursis accordé aux centrales est conditionné au respect du plan de développement des énergies renouvelables, les Suédois s’attendent à ce que la rémission soit plus longue que prévu.

Certaines capitales avouent plus prosaïquement recouvrer l’atome dans une logique d’indépendance énergétique. C’est le cas de Londres. Ou de Varsovie, qui se dit désireuse de moins dépendre du gaz russe. Le commissaire européen chargé de l’Energie, Andris Piebalgs, n’hésite plus à déclarer que  » l’énergie nucléaire représente un élément important de notre lutte contre le changement climatique et de notre sécurité d’approvisionnement en énergie « . Le tabou nucléaire levé, l’UE pourrait-elle revenir au principe du traité Euratom ? En 1957, ce dernier ambitionnait de bâtir une industrie nucléaire européenne pour assurer l’indépendance énergétique de la Communauté.

THIERRY DENOËL

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