La filiation rose

Ce 5 juin, en France, deux homosexuels vont se marier, en toute illégalité. Chez nous, l’ouverture de l’adoption aux couples gays fait presque l’objet d’un consensus

Un papa et une maman, est-ce la même chose qu’un papa et un papa ? Ou une maman et une maman ? Ces questions taraudent bien des pays occidentaux. Le dernier à les avoir mises à la Une des journaux est la France avec Noël Mamère, député Vert et maire de Bègles, près de Bordeaux. Ce 5 juin, il s’apprête à unir Stéphane et Bertrand, en toute illégalité, pour  » faire évoluer le droit « . L’événement survient trois semaines après la décision du Massachusetts, premier Etat américain à le faire, d’autoriser le mariage homosexuel. La Cour suprême avait, en effet, donné raison à plusieurs couples gays se plaignant de discrimination.

Mais le ministre français de la Justice a fait savoir que le mariage de Bègles (Gironde) sera frappé de nullité, puisque le Code civil n’envisage pas les unions homosexuelles. Le procureur de la République de Bordeaux a aussi signifié au maire son interdiction. En vain. Le 11 mai dernier, Mamère a annoncé que son groupe parlementaire déposera sous peu une proposition de loi autorisant le mariage gay. Le même jour, le PS a pris un engagement similaire.

Pourquoi cette soudaine précipitation dans un pays qui a tellement hésité à voter, en 1999, le Pacs (pacte civil de solidarité), l’équivalent de notre contrat de cohabitation légale ? Il est vrai que les mentalités ont changé depuis, selon un sondage Ifop-Elle, réalisé en avril dernier, 64 % des Français sont favorables au mariage homo. Ils sont toutefois davantage partagés (49 % pour et autant contre) sur l’adoption d’enfants par ces  » nouveaux  » couples.

L’exemple belge montre qu’on peut difficilement envisager l’un sans l’autre. Ainsi, le 22 mai dernier, à Bruxelles, les participants à la 9e édition de la Gay Pride ont revendiqué avec force le droit à la filiation, alors que la loi autorisant leur union a juste un an. Sur quelles bases leur refuser cette avancée ? Il est aujourd’hui politiquement correct de lutter contre toute forme de discrimination. En outre, bon nombre de couples homosexuels élèvent déjà des enfants, issus d’une union hétérosexuelle précédente, d’une insémination artificielle ou d’une adoption, réalisée en contournant quelque peu la loi. Pourquoi ces enfants n’auraient-ils pas le droit d’hériter de leurs deux  » parents  » ?

Depuis décembre 2003, plusieurs propositions de loi ouvrant l’adoption aux gays ont été déposées au Parlement : les partis y sont favorables, à l’exception des libéraux francophones, du CDH, du CD&V et du Vlaams Blok. La sous-commission  » droit de la famille « , à la Chambre, doit en débattre au lendemain des élections du 13 juin.

Mais, dès le 27 avril dernier, lors de la séance plénière des Etats généraux de la Famille, Michel Pasteels, conseiller de la ministre de la Justice, Laurette Onkelinx (PS), présentait l’homoparentalité comme une chose acquise.  » En ce qui concerne l’impact psychologique sur les enfants, beaucoup d’études canadiennes et américaines sont plus que rassurantes, a-t-il alors expliqué. Chez nous, une des meilleures enquêtes sur des couples lesbiens suivis pendant quinze ans par l’hôpital AZ-VUB, va dans le même sens. Prétendre le contraire serait faire comme les scientifiques tentant de prouver, à une autre époque, qu’un enfant élevé par un couple mixte formé d’un parent blanc et de l’autre noir pouvait être perturbé.  »

Méthode Coué ? L’opposition à l’homoparentalité serait-elle un combat d’arrière-garde ? Pas partout. Le gouvernement australien examine, lui, au contraire, un amendement à la loi fédérale sur le mariage. Objectif : interdire les unions d’homosexuels et leur droit à adopter des enfants à l’étranger.

Dorothée Klein

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