» La détermination politique est indispensable « 

Le directeur régional de l’ISI Gand, Karel Anthonissen, affirme ne plus pouvoir faire son boulot convenablement. Haut et fort.

Le Vif/L’Express : Le rapport des quatre experts de Bernard Clerfayt vous dérange-t-il ?

> Karel Anthonissen : Oui. D’après ce que j’ai lu, cela donne l’impression d’annuler, dans les grandes lignes, le travail de la Commission d’enquête parlementaire sur la grande fraude fiscale.

Y a-t-il tout de même des critiques avec lesquelles vous êtes d’accord ?

> Oui. Le chapitre sur la proportionnalité des peines. Celles-ci sont déjà très élevées, voire trop même au regard des droits de l’homme. Le problème est que ces peines ne sont quasi jamais prononcées ou appliquées, parce que la plupart des dossiers n’aboutissent pas ou sont frappés par la prescription.

Quelles critiques des experts vous semblent le plus inappropriées ?

> Pour les experts, ce qui n’est pas interdit est permis. Autrement dit : ce qui n’est pas condamné est autorisé. Donc, lorsqu’un dossier de grande fraude fiscale aboutit à un non-lieu faute de preuves, cela signifierait que les montages fiscaux en cause dans ce dossier seraient permis. C’est la logique des quatre experts et d’une partie de la théorie fiscale. Si, dans une affaire de viol, il n’y a pas assez de preuves pour condamner un suspect, dira-t-on que le viol est dès lors autorisé ?

La personnalité des experts choisis par Clerfayt est controversée. Qu’en pensez-vous ?

> Le secrétaire d’Etat aurait pu mandater des théoriciens de la fiscalité plus modérés. On trouve, en Belgique, d’éminents spécialistes de cette matière qui n’ont que des fonctions académiques et donc aucun conflit d’intérêts avec une pratique d’avocat. Vous savez, devant un tribunal correctionnel, un avocat a le droit de nier la fraude. C’est même son boulot. On ne peut pas le lui reprocher. Mais comment ensuite affirmer que les montages qu’on défend sont illicites ? C’est intellectuellement impossible.

A la base, ce sont tout de même les fraudeurs eux-mêmes qui imaginent ces montages…

> En effet, l’inventivité des fraudeurs, aidés en cela par une catégorie bien précise de conseillers, ne connaît aucune limite, que ce soit au sens propre ou au sens figuré du terme.

Dans le cadre des enquêtes  » Liechtenstein « , vous critiquez le rôle du  » Point de contact régularisation « . Pourquoi ?

> Parce que ce service interprète les règles de manière minimale. Il se contente d’une régularisation partielle dans le temps. En d’autres termes, il régularise les intérêts du capital rapatrié, alors que la DLU régularisait le capital total. Ce qui donne des taux dérisoires sur la totalité du capital qui est rapatrié. En outre, le Point de contact dit explicitement que leur attestation rétablit la confiance du fraudeur avec le fisc. Soit c’est de la naïveté, soit c’est de la complicité coupable…

Vous avez même parlé de blanchiment…

> Oui. Si j’ai dissimulé de l’argent au Liechtenstein ou ailleurs, puis que je rapatrie cet argent en Belgique en ne payant un impôt que sur les intérêts des 5 ou 7 dernières années, soit un taux de 3 ou 5 % sur la totalité du capital, cela équivaut à du blanchiment. Grâce aux enquêtes administratives et judiciaires, on pourrait appliquer des taux de 20 à 40 %, soit des taux normaux pour accepter le rapatriement d’un patrimoine caché au fisc. Sans parler des amendes. Voyez l’écart entre les deux. C’est intenable !

Cela ne ressort-il pas finalement de la responsabilité politique ?

> Personne ne peut nier que la détermination politique est indispensable si le succès veut être au rendez-vous. n

Propos recueillis par Th.D.

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