La dernière séance de Robert Altman

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

oeuvre testamentaire aussi drôle que mélancolique, A Prairie Home Companion (The Last Show) marque les beaux adieux d’un grand cinéaste

On abuse parfois, et même souvent, du terme  » testamentaire  » pour qualifier l’£uvre d’un artiste arrivé en fin de parcours. Dans le cas de A Prairie Home Companion, l’opus ultime de Robert Altman, l’expression se justifie toutefois pleinement. Le titre alternatif… anglais choisi pour la sortie en terre francophone, The Last Show, étant à cet égard plus explicite que l’original. A Prairie Home Companion, qui fait allusion au titre de l’émission de radio en direct dont le film narre la dernière diffusion.

Nous sommes dans une petite ville d’Amérique profonde, et un public fidèle se presse avec un pincement au c£ur dans le vieux théâtre où, depuis une trentaine d’années, le show radiophonique accueille musiciens, fantaisistes et réclames au ton rétro. Rachetés par un groupe financier texan, les lieux seront bientôt fermés et promis à un autre usage. On attend d’ailleurs le représentant des nouveaux propriétaires, tandis que se succèdent sur scène numéros et chansons. Et que, dans les coulisses, une mystérieuse jolie femme en imperméable blanc suscite la curiosité de tous…

Hymne comique et mélancolique à une forme de création condamnée et au plaisir de faire les choses ensemble sans trop attacher d’importance aux questions de profit, The Last Show distille généreusement un plaisir communicatif. Dans le plus pur style  » noir « , façon Raymond Chandler (1), le responsable de la sécurité, joué par Kevin Kline, nous invite en prologue à découvrir le théâtre, la troupe, et cette étrange femme en blanc dont le limier découvrira la véritable nature au fil des événements. Meryl Streep, Lily Tomlin, Woody Harrelson, John C. Reilly, Tommy Lee Jones et l’imperturbable Garrison Keillor (dans son propre rôle de maître de cérémonie) font partie de la distribution complice réunie par Altman pour ses adieux au cinéma. Ensemble, ces interprètes de grand talent illustrent avec bonheur, humour et émotion le propos, certes nostalgique, mais toujours chargé de sens d’un grand cinéaste. Celui-ci célèbre une fois encore l’importance et la grandeur d’un artisanat modeste mais incarné, vibrant de présence humaine et où, loin des soucis globalisants du système (économique, médiatique, politique), le collectif et l’individuel trouvent leur fragile mais si belle harmonie.

(1) Un auteur dont Altman s’inspira en 1973 pour un de ses meilleurs films, The Long Goodbye (Le Privé).

Louis Danvers

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