La dernière bordée d’O’Brian
Le capitaine Jack Aubrey termine au Chili l’odyssée menée 20 volumes durant par ce grand disparu de la littérature flibustière
Pavillon amiral, par Patrick O’Brian. Trad. de l’anglais par Florence Herbulot. Presses de la Cité, 320 p.
C’est au coin d’un vignoble du Roussillon, sur les hauteurs de Collioure, qu’il fallait se rendre pour dénicher Patrick O’Brian, le vieil homme de la mer. Jusqu’à sa mort, en janvier 2000, personne dans la région ne savait que cet Irlandais discret, trop modeste, était l’auteur d’une odyssée navale éblouissante : 20 volumes qui pavoisent sous des vents conradiens, en racontant des histoires qu’Alexandre Dumas aurait pu inventer s’il avait eu le pied marin. Le sujet ? Les exploits de la Royal Navy, à l’époque de Napoléon, lorsque Français et Anglais s’étripaient pour être les maîtres des océans.
Tout commence à Minorque, en avril 1800, dans un salon de musique où deux hommes se chamaillent à propos d’un quatuor de Locatelli. Ils ne savent pas encore qu’ils deviendront inséparables. Ni qu’ils feront le tour de la planète, main dans la main, sur les rugissantes frégates de Sa Très Gracieuse Majesté. Le premier est le capitaine Jack Aubrey, un d’Artagnan des mers qui brûle d’en découdre avec la flotte napoléonienne. Le second est un vieux grognard mélomane, féru de botanique et espion à ses heures : Stephen Maturin, qui sera chirurgien à bord des multiples navires que Jack Aubrey lancera à l’assaut des vagues, sous la mitraille ennemie. La suite ? Un festin de littérature flibustière : 6 000 pages de bourlingue, que la caméra de Peter Weir a superbement mises à flots.
Sillage d’émeraude
Panache, intrigues parfaitement ficelées, documentation impeccable, l’£uvre de Patrick O’Brian trace son sillage d’émeraude dans les tumultes d’une Histoire revisitée par l’épopée, entre les rochers de Gibraltar et les rivages irlandais, les icebergs du cap Horn et les mers du Sud, les ports d’Albion et les îles de la Méditerranée. Dernier acte, ce Pavillon amiral où, pour leur ultime bordée, Aubrey et Maturin poussent la vaillante Surprise vers un Chili déchiré par la révolution, lorsque Napoléon prend la route de l’exilà Ils en reviendront le c£ur serré et les voiles en berne, tandis que se referme, en un flamboyant baroud d’honneur, une saga magistrale, délicieusement exotique. Qui a déjà le goût d’une légende. l
André Clavel
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