La criminalité bruxelloise explose-t-elle ?

Ettore Rizza
Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

 » La criminalité violente, en forte hausse, est devenue le lot quotidien des Bruxellois.  » Communiqué d’Alain Destexhe, député bruxellois MR, 30 août 2013.

Téméraire Alain Destexhe, qui s’avance d’un pas hardi sur le terrain miné des statistiques policières. La semaine dernière, le député MR bruxellois a présenté une étude personnelle de la criminalité en Belgique et surtout à Bruxelles. Sa conclusion : les deux sont devenus des coupe-gorge. Pour y remédier, il propose une série de mesures plus sécuritaires et musclées les unes que les autres (1). Pourquoi pas ? Suggérer des politiques constitue, pour un élu, à la fois un droit et un devoir. Encore faut-il qu’elles se basent sur des faits avérés.

Or, si le document en question fait 21 pages, détailler les erreurs dont il grouille en nécessiterait autant. Contentons-nous de les classer en quatre grandes catégories.

POMMES ET POIRES En Belgique, le taux d’homicides volontaires est deux fois plus élevé qu’aux Etats-Unis. C’est du moins ce que déduit l’auteur en comparant les chiffres du FBI à ceux de la police fédérale belge. Sauf que les chiffres américains comptent les faits commis, tandis que les belges incluent les tentatives ; ce n’est pas tout à fait la même chose. Si l’on s’en tient aux meurtres et assassinats réels, le taux de la Belgique redescend en 2011 à 1,9 pour 100 000 habitants, contre 4,7 aux Etats-Unis…

ANALYSE STATISTIQUE BOITEUSE La police fédérale fournit les chiffres de 2000, puis ceux de 2005 à 2012. Pourquoi Alain Destexhe a-t-il établi une comparaison entre 2000 et 2011, année très mauvaise ? S’il avait choisi comme référence 2012, les conclusions auraient été tout autres, lui a fait remarquer la ministre de l’Intérieur Joëlle Milquet. Mais ne serait-il pas plus judicieux d’établir des moyennes, plutôt que de comparer deux années arbitraires ? Pour rester dans les meurtres et assassinats (tentatives comprises), la moyenne entre 2005 et 2012, à Bruxelles, était de 13,6 faits pour 100 000 habitants, contre 11,9 en 2000. Depuis au moins huit ans, la tendance est clairement à la baisse.

INTERPRÉTATIONS ERRONÉES Alain Destexhe cite une étude de l’Institut national de criminalistique et de criminologie (INCC) selon laquelle le taux de récidive en Belgique serait de 44,1 %. Si ce n’est que l’étude en question porte sur le taux de réincarcération, pas sur la récidive. Un assassin, jugé, condamné et libéré, peut être réincarcéré pour un vol de biscuits. Récidive ?

Alain Destexhe s’étonne également que les  » chiffres de la criminalité  » puissent être si élevés dans un pays qui compte tant de policiers par habitant. C’est confondre cause et effet. On ne le répétera jamais assez : les statistiques policières reflètent l’activité de la police, point. Plus il y aura de policiers, plus ils acteront de crimes et délits, plus les statistiques criminelles augmenteront. Et si le parquet décide de mettre la priorité sur tel ou tel phénomène criminel, les chiffres qui le concernent seront en forte hausse. C’est aussi simple que cela.

CONTRADICTIONS L’étude de l’INCC citée par Alain Destexhe indique que  » la probabilité d’un retour en prison pour les personnes en détention limitée ou sous surveillance électronique est réduite de moitié « . Le député en conclut donc qu’il faut abandonner cette  » mode coûteuse  » du bracelet pour construire de nouvelles prisons, en partenariat avec le privé, et durcir les conditions de libération. On sait pourtant qu’un détenu coûte bien davantage qu’une surveillance électronique.

Comprenne qui pourra.

(1) Retrouvez les nombreuses références de cet article sur www.levif.be.

Ettore Rizza

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