La  » Biologie totale  » au tribunal

A Liège, le procès d’un psychothérapeute navigue en lisière du phénomène sectaire. Louis Vliegen, proche de la  » Biologie totale des êtres vivants « , qui prétend guérir par l’esprit, a-t-il fait en sorte qu’une patiente meure ?

Février 2007. Louis Vliegen, un Jalhaytois aujourd’hui âgé de 55 ans, tient une énième conférence sous le titre ronflant de  » psychothérapeute en gestalt avec décodage psycho-biologique « . A cette époque, son répondeur le présente comme  » le contact de Claude Sabbah en Belgique « , un fort controversé ex-médecin français devenu le promoteur très en vue de la  » Biologie totale des êtres vivants « . Bien qu’affirmant officiellement le contraire, cette doctrine tend à rejeter la médecine classique, à en croire plusieurs témoignages. Ceux qui la pratiquent invitent par exemple le cancéreux à renoncer à sa chimiothérapie et, pour recouvrer la santé, à résoudre le conflit psychologique qu’ils affirment être l’origine réelle de sa maladie. Ce qui se fait avec l’aide (payante) du thérapeute pratiquant un  » décodage psycho-biologique « , chose qui est censée entraîner la guérison par  » déprogrammation  » du cancer. Et idem pour d’autres maladies.

Certes, personne ne nie l’importance de l’aspect psychosomatique des choses. Mais cette caricature est conspuée par les médecins d’Allemagne, de Belgique, du Canada et de France où elle s’est répandue. Elle vaut aussi à ses adeptes d’être brocardés par des associations luttant contre les sectes, qui parlent de charlatanisme. Car, si la  » Biologie totale  » ne répond pas à la définition de l’organisation sectaire, le rôle de ses thérapeutes leur semble en revanche coller parfaitement aux pratiques des gourous : abuser de la faiblesse psychologique de personnes fragilisées pour en obtenir des avantages pécuniaires.

Bref, ce que Louis Vliegen, assistant social de formation (le titre de psychothérapeute n’est pas protégé…), ne sait pas en février 2007, c’est qu’il va être inculpé sept mois plus tard pour exercice illégal de l’art de guérir, coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner et escroquerie (sans discontinuer depuis 1993).

Accoucher de son cancer

Le décès d’une dame Schommers à Eupen, en 2003, avait déclenché la procédure. Atteinte d’un cancer de l’estomac, elle s’était abandonnée à Louis Vliegen, privée de thérapie classique sur son conseil (il le dément), selon ses proches qui avaient déposé plainte. La famille rapportait également que le psychothérapeute disait avoir identifié le conflit psychologique (en l’occurrence, une dispute avec sa défunte belle-mère) soi-disant à l’origine de l’état de la malade. Laquelle allait pourtant de mal en pis. Cependant, même quand ses selles n’étaient plus que sang, Vliegen n’y voyait qu’un symbole, selon les plaignants. Celui que sa patiente  » accouchait de son cancer « .

Voilà ce qui nourrit les débats (ces deux derniers mardis, la suite en octobre) au tribunal correctionnel de Liège. Où Louis Vliegen nie en bloc. Il assure n’avoir jamais prétendu guérir les gens, seulement  » les accompagner dans leur aide à la guérison « . Ses quatre autres patients décédés ? Cette diabétique privée de traitement ? Mme Schommers ? Eh bien, soutient-il à la présidente du tribunal, Isabelle Cabus, tout cela serait le fruit de mauvaises interprétations en cascade des patients. Toutefois, énonce-t-il comme pour éloigner le spectre de l’exercice illégal de la médecine,  » je ne peux donner de traitement (…), je travaille sur le sens du symptôme et pas sur le symptôme « . Or, dit autrement et même s’il affirme s’en être éloigné, voilà qui ressemble aux fondamentaux de la  » Biologie totale « .

Bref, on ignore encore si Louis Vliegen a ou non commis ce qu’on lui reproche. Mais on sait déjà qu’il faudra lire le jugement jusqu’entre ses lignes.

ROLAND PLANCHAR

 » Des thérapeutes qui ressemblent à des gourous « 

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