La Belgique, mauvais élève en matière de sécurité des jeunes

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

La Belgique se classe 26e sur 31 pays dans l’enquête sur la prévention des traumatismes et des accidents quotidiens menée au sein de l’Union européenne. Pourquoi ce bonnet d’âne ?

C’est l’heure des bulletins, et celui-là n’est guère brillant. Chaque année, en Belgique, les traumatismes et accidents de la vie courante provoquent près de 269 décès chez les moins de 19 ans. En clair, il s’agit de chutes, de noyades, d’empoisonnements ou de brûlures. Mais 55 % ( !) d’entre eux auraient pu être évités. Sans parler des blessés : 40 000 enfants de moins de 5 ans se présentent aux urgences chaque année suite à un accident domestique, 5,5 % sont hospitalisés. Ainsi l’enquête réalisée par l’European Child Safety Alliance classe la Belgique au 26e rang, avec une note globale de 28,5 sur 60, quand la moyenne européenne est de 35. Un bulletin moyen en raison de mesures insuffisantes pour prévenir les noyades mais aussi les chutes ou les défenestrations. Au niveau européen, les pays les plus sûrs sont la Finlande, suivie par l’Islande et les Pays-Bas. La Grèce ferme la marche, à la 31e place.

Plus de dangers à la maison que sur la route

Officiellement présenté au Parlement européen le 12 juin, ce troisième rapport est sorti dans une grande discrétion.  » L’opinion sous-estime leur nombre, les experts aussi, ces accidents sont peu craints, sans doute parce qu’ils ont lieu dans la sphère privée. Les recommandations de protection ou de prévention sont encore vécues comme une intrusion dans la vie privée « , déclare Rob Buurman, conseiller au Crioc, qui a réalisé l’étude en Belgique pour le compte du programme européen. Près de la moitié des accidents se produisent à la maison ou à ses abords immédiats et, chez les moins de 15 ans, ils restent la première cause de décès ( voir tableau ci-contre).

Cette discrétion découle aussi d’un constat simple : la puissance publique reste discrète.  » Si le domicile est si dangereux, c’est parce qu’il n’est soumis à aucune réglementation, à la seule exception des détecteurs d’incendie « , ajoute Martine Bantuelle, directrice d’Educa-Santé. Le rapport européen ne conteste pas les efforts ou les actions de prévention récents en ce qui concerne les jeunes cyclistes et les conducteurs de mobylettes/scooters – la Belgique s’est améliorée par rapport à 2009. Mais la stabilité de ses performances, depuis 2007, montre que la prévention demeure insuffisamment prise en compte par les pouvoirs publics.  » Il n’y a pas d’action coordonnée, pas de stratégie nationale pour la sécurité des enfants et des adolescents, ni de soutien financier sérieux, proportionnellement à l’ampleur du problème « , regrettent les auteurs.

Car là où la Belgique obtient vraiment des scores médiocres, c’est dans l’adoption et la mise en £uvre de politiques de prévention. Agir pour limiter ces accidents apparaît compliqué chez nous.  » La régionalisation de la Belgique a créé une multitude d’acteurs impliqués dans la sécurité des enfants. Cette structure complexe entraîne un éparpillement des responsabilités. Par ailleurs, il y a un manque d’experts techniques et d’échanges d’informations sur des pratiques qui ont fait leurs preuves.  » Par exemple, les pays qui ont réussi ont mis en place des systèmes de santé communautaires qui regroupent enseignants, policiers, médecins et, plus généralement, tous ceux qui s’intéressent à la santé publique. Des réglementations adaptées permettent aussi de réduire cette mortalité. Les pays les plus sûrs ont ainsi concentré leurs efforts sur la sécurisation des habitations : la pose de garde-fous aux fenêtres et de garde-corps aux balcons à partir du 1er étage réduit le nombre de défenestrations de moitié… En Suède, installer systématiquement les moins de 4 ans dos à la route, sur le siège arrière, a permis de réduire le nombre de décès dans ce groupe d’âge à pratiquement zéro. Le port obligatoire d’un casque à vélo (ce n’est pas le cas en Belgique) diminue de 70 % la probabilité de blessure grave.

 » Ces accidents ne doivent pas être considérés comme la faute à pas de chance et dont on parle comme d’un regrettable fait divers « , conclut Martine Buantelle. Si les mesures de prévention, de réglementation ou de formation adaptées ont prouvé leur efficacité, mobiliser sur ces sujets reste difficile. Le rapport démontre pour la première fois que  » les accidents domestiques sont soumis aux inégalités sociales « . Ainsi les enfants appartenant à des groupes défavorisés courent un plus grand risque de se trouver exposés à un environnement domestique, de jeu et de vie dangereux. Parce qu’ils sont plus souvent que les autres laissés à la surveillance d’un  » grand  » frère ou d’une  » grande  » s£ur, et que les parents sont encore moins informés que les autres…

SORAYA GHALI

En Belgique, la moitié des accidents domestiques peut être évitée

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