La Belgique cherche son Zuckerberg

Depuis que le Web existe, des centaines de start-up belges ont tenté en vain de se faire une place au soleil. Très rares sont celles qui ont réussi une percée internationale. Pourtant, l’entreprenariat Web est toujours bien vivace chez nous. Pourrait-il un jour déboucher sur un succès de masse à la Facebook ? A suivre…

L’entrée en Bourse annoncée de Facebook, l’hypermédiatisation du fondateur Mark Zuckerberg suite au film The Social Network ou encore la croissance éclair du site américain d’achats groupés Groupon créent une nouvelle agitation autour du Web. Certains évoquent même déjà le risque d’une nouvelle bulle de l’Internet.  » Il y a un énorme bouillonnement dans le financement de start-up aux Etats-Unis, en France ou en Angleterre, certainement depuis douze mois. La dynamique de création de services Web est (de nouveau) en surchauffe pour l’instant dans la Silicon Valley (Californie). Mais également dans des pays européens proches. Par effet de bord, cette dynamique rejaillit un peu chez nous, mais avec une amplitude qui est moindre « , observe Benoit Lips, pionnier de l’Internet en Belgique et  » chiefvisionaryofficer  » chez LBI Group.

Il serait exagéré de parler en Belgique de  » folie du Web « , mais d’aucuns évoquent au minimum des frémissements intéressants. C’est notamment le cas d’Olivier de Wasseige, cofondateur de l’agence Web wallonne Defimedia, qui, avec quelques associés, vient de créer un fonds d’investissement  » Internet attitude « , dédié au soutien de start-up Internet.  » En Wallonie et à Bruxelles, on rencontre pas moins qu’ailleurs des entrepreneurs qui ont de très belles idées à développer sur le Web, mais qui ne trouvent pas le soutien nécessaire. Un entrepreneur débutant a encore plus de mal à lever des capitaux pour une activité sur l’Internet que pour une activité plus « classique » « , constate Olivier de Wasseige. Internet Attitude a déjà rassemblé 700 000 euros en quelques jours.  » La Bourse rapporte peu. Les gens qui ont de l’argent à placer sont prêts à investir quelques milliers d’euros dans de bons dossiers. L’Internet est à présent arrivé à maturité. Et les investisseurs disposent davantage qu’il y a dix ans d’éléments rationnels pour juger de la faisabilité d’un plan d’affaires.  » Vu la qualité des projets qu’il rencontre, Olivier de Wasseige est persuadé qu’il n’y a pas de raison qu’un entrepreneur du Web wallon ou bruxellois ne puisse émerger au niveau international, s’il parvient à surmonter le handicap d’une sous-capitalisation souvent chronique dans nos start-up.

Olivier Witmeur, professeur d’entreprenariat à la Solvay Business School, tempère cet enthousiasme par une donnée objective : les études GEM ou Eurobaromètre nous rappellent régulièrement que le taux d’entreprenariat en Belgique est l’un des plus faibles d’Europe.

Marché inaccessible

Le vivier dans lequel pourrait naître une nouvelle application Web populaire est d’office réduit.  » Depuis une dizaine d’années, des initiatives, essentiellement publiques (incubateurs, réseaux de « business angels ») se sont développées. C’est une opportunité pour mettre le pied à l’étrier, mais c’est insuffisant pour espérer une percée internationale. Et la petite taille du marché intérieur n’aide pas à acquérir une masse critique suffisante. Bref, on ne peut jamais exclure la percée d’un service ou une application géniale, mais la loi des grands nombres joue en notre défaveur « , explique-t-il.

Une start-up belge doit souvent peiner pour obtenir 20 000 euros, alors qu’un Facebook a assez rapidement pu lever des centaines de milliers de dollars. C’est le constat qu’a pu faire Jean-Noël Chamart, qui, avec Mediadis (ex-DVDZone2), a signé l’une des rares réussites belges de l’e-commerce. En acquérant une certaine notoriété en France et dans l’ensemble du Benelux, le site avait atteint temporairement les 5 millions d’euros de chiffre d’affaires, avant que son fondateur, sentant que l’heure de gloire était passée, ne vende à Free Record Shop. Le fait d’avoir été le premier à écouler des DVD en ligne à des prix discount lui a permis de résister quelques années à la déferlante Amazon ou à la reconversion Web de la Fnac. Mais la réalité belge l’a empêché de nourrir de hautes ambitions internationales.  » On compte à peine quelques milliers de commerces Web en Belgique, contre 25 000 aux Pays-Bas. Par conséquent, les Belges achètent finalement assez peu sur des sites locaux. C’est la vieille histoire de la poule et de l’£uf. J’aurais sans doute pu connaître une croissance bien supérieure en délocalisant mon activité vers la France « , observe-t-il, avec une pointe de regret. A la tête d’une société de conseil, il met à présent son expérience au service de PME qui veulent exploiter le canal Internet pour booster leurs exportations.  » Il est très difficile pour un Belge de réussir sur un marché de masse. Par contre, les entrepreneurs belges du Web peuvent valoriser leur multilinguisme et leur multiculturalité pour faire percer des applications de niche, très ciblées. L’intermédiaire de paiements électroniques Ogone en est un bel exemple. « 

Sorte de club informel où se discute le Web d’aujourd’hui et de demain, le BetaGroup fait partie de ces initiatives qui visent à stimuler l’entreprenariat Web. Robin Wauters, qui collabore au site américain TechCrunch, en est un des animateurs. Il estime que nos entrepreneurs ont encore beaucoup de chemin à parcourir :  » Il y a quelques entrepreneurs qui font un beau parcours, mais je pense que les vraies figures emblématiques doivent encore émerger. On parle beaucoup de Netlog comme réussite flamande, mais on oublie que ce réseau social a dû faire preuve de beaucoup de patience avant d’aller chercher des financements aux Etats-Unis. Et qui connaît Netlog outre-Atlantique ou en Asie ?  » Et l’observateur de conclure : les start-up belges sont trop axées sur le marché local, qui est par définition très petit. Ce n’est pas en cultivant un esprit de clocher qu’on conquiert le World Wide Web.

OLIVIER FABES

 » ON NE PEUT JAMAIS EXCLURE LA PERCÉE D’UNE IDÉE GÉNIALE « 

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