La balade des remparts

Du Moyen Age au XIXe siècle, les fortifications ont accompagné le quotidien des Bruxellois. Une exposition part sur les traces de ces remparts qui ont presque tous disparu

Un jour de semaine, à l’heure de pointe, dans le centre de Bruxelles. Comme toujours, ça bouchonne sur les boulevards de la « petite ceinture ». Vous parvenez à extirper votre véhicule d’un carrefour encombré et vous risquez un dépassement audacieux pour rejoindre la file qui plonge dans les tunnels. Et vous voilà, sans le savoir peut-être, sur les traces vénérables de la seconde enceinte de la ville. En effet, à l’endroit même où se situe l’autoroute urbaine qui ceinture le Pentagone, il y avait, autrefois, de hauts remparts, de larges fossés et d’énormes forteresses. Rares sont, il est vrai, les éléments du « paysage » actuel qui rappellent la présence de ces fortifications, édifiées à partir de 1356 et démantelées sur ordre des empereurs Joseph II puis Napoléon Ier.

La porte de Hal, qui a échappé aux démolisseurs en 1832, est le dernier vestige monumental de cette enceinte longue de près de huit kilomètres. Restauré, le bâtiment n’est plus, en réalité, qu’une caricature d’architecture médiévale: l’architecte Suys l’a décoré de fenêtres gothiques et, en 1860, son confrère Beyaert, adepte de Viollet-le-Duc, a plaqué une tour contre la façade, côté ville, en couronnant l’édifice de mâchicoulis, d’échauguettes et d’une immense toiture. Un Moyen Age réinventé. En sous-sol, entre la porte de Hal et la porte Louise, le percement du métro, en 1982, a révélé des portions du mur d’enceinte. Et le cours de certaines rues marque encore l’angle d’un bastion.

Voilà tout ce qui reste des imposantes constructions qui ont accompagné le quotidien des Bruxellois pendant des siècles. « Il ne faut pas être passéiste ou nostalgique », prévient l’historienne Astrid Lelarge, commissaire d’une exposition consacrée aux fortifications de Bruxelles et à l’émergence de la ville contemporaine (1). « La destruction des portes, des tours et des murs, devenus inutiles et incommodes, a ouvert une ère nouvelle pour une cité enfin libre de s’étendre au-delà de ses remparts, poursuit-elle. Une révolution lourde de sens dans la politique d’aménagement du territoire. » Même approche chez Laurence Hassel, scénographe de l’exposition: « Aimer sa ville, c’est accepter ses surcharges, ses vides, ses accumulations, ses manques, ses déséquilibres. C’est aussi connaître un peu mieux ce qui l’a constitué au fil du temps. »

L’exposition rassemble un grand nombre de cartes et de gravures anciennes: plans des fortifications et des zones inondables, dessins au charme désuet des portes de Louvain, de Flandre ou du Rivage, avec leur environnement champêtre, superbe vue de Bruxelles peinte par Bonnecroy en 1665, trente ans avant le terrible bombardement de la ville par le maréchal de Villeroy… Astrid Lelarge, déjà auteur, en 2001, d’un ouvrage de référence sur la démolition des remparts, a pris la peine de dépouiller, à Bruxelles, Paris, La Haye et Vienne, des kilos d’archives pour exhumer des plans et dessins oubliés. Dans la capitale autrichienne, elle a retrouvé des projets de vente et de réaménagement des remparts que personne n’avait plus regardés depuis deux siècles. A ces documents historiques, les concepteurs de l’expo ont ajouté des supports contemporains : reconstitution virtuelle des remparts du XVIII e siècle, effets sonores, séquences filmées sur la ville actuelle à quelques points clés de la cité fortifiée d’hier… Images qui nous ramènent, sans surprise, dans nos tunnels et carrefours encombrés de la petite ceinture.

Olivier Rogeau,

(1) Exposition Fortifications. Bruxelles, l’émergence de la ville contemporaine , jusqu’au 16 mars au Civa (Centre international pour la ville, l’architecture et le paysage), 55, rue de l’Ermitage, à 1050 Bruxelles (de 10 h 30 à 18 h 30, sauf le lundi; entrée: 6 euros; catalogue: 15 euros); infos: 02-642 24 50).

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