Kim Gevaert, reine à deux couronnes

Alexandre Charlier
Alexandre Charlier Journaliste sportif

100 et 200 mètres : doublé historique pour l’athlétisme belge aux Championnats d’Europe de Göteborg. Tia Hellebaut (saut en hauteur) complète le tiercé en or

Göteborg, début août. Rencontre avec la presse internationale. Nerveuse, Kim Gevaert use de son sourire pour se jouer de son statut de favorite des 100 et 200 mètres des 19es championnats d’Europe d’athlétisme en plein air.  » Moi, la reine ? Mais je ne suis qu’une petite princesse !  » Tout Kim. Elle aurait pu répondre plus humblement encore qu’elle n’était jamais que la  » Gazelle de Kampenhout « . Moins sexy devant les plus éminents journalistes européens.

Le lendemain, Kim Gevaert entre dans l’histoire de l’athlétisme belge et même international en décrochant l’or au bout de l’hectomètre. 11’06 et  » une course parfaite « , s’autorisera la Brabançonne. Elle rejoint Gaston Roelants (3 000 mètres steeple, 1962) et Karel Lismont (marathon, 1971) sur le confetti recensant les champions tricolores devenus maîtres d’Europe. Quarante-huit heures plus tard, Kim Gevaert avale un 200 mètres royal en se jouant de la concurrence et d’une grosse pression. Avec une fabuleuse puissance gracieuse : 22’68. Or bis et billet d’entrée pour la légende. Le soir de gloire de l’athlétisme belge est d’autant plus beau qu’il emporte dans son drapeau noir-jaune-rouge Tia Hellebaut.  » Je suis fière de toi « , crie la sauteuse en hauteur à l’arrivée victorieuse de Kim.  » Je suis fière de toi « , rétorque Kim à sa grande copine euphorique.

Images pour l’éternité. Le clan Gevaert savoure. La mère, Mieke, omniprésente, et le copain Djeke Mambo, athlète lui aussi, mesurent au stade Ullevi Stadium même la portée de l’exploit. La presse internationale aura beau souligner le niveau de performances modestes de cet Euro suédois, elle saluera le double succès de Gevaert avec respect. Sa personnalité, sa technique perfectible mais sa foulée si généreuse, énergique, son sourire… Kim éblouit. Elle est le visage de cet athlétisme de rêve où l’on se bat non plus aveuglément contre les records, mais contre d’autres athlètes, à la régulière.

 » Je n’aurais jamais pu être sacrée championne d’Europe sur 100 et 200 mètres dans les années 1980 « , répondra Kim à une inévitable question liée au dopage. Que Kim Gevaert ne mange pas de ces produits-là, cela semble une évidence. Comment douter d’elle ? Comme toutes les princesses et les reines, notre sprinteuse a une histoire idéale. C’est son frère Marlon qui l’a poussé sur la piste. Presque par hasard. Puis le flair de Rudi Diels, qui demeure aujourd’hui son fidèle entraîneur, a voulu qu’à 15 ans la native de Kampenhout se distancie de sa flûte traversière et du piano pour la faire entrer, sur la pointe des spikes, dans le monde de l’athlétisme. Le saut en hauteur la bottait mais, naturellement, sa foulée intéressa le spécialiste. A coups de travail et de persévérance, Kim Gevaert rattrapa le temps  » perdu  » à maîtriser ses blanches, noires et autres soupirs…

Dès 1994, elle devient championne de Belgique dans sa catégorie. Suit alors une longue collection de titres et d’amélioration de records. Kim Gevaert, elle, n’a pas flambé quelques années avant d’emprunter discrètement le 10e couloir, celui des bannis. Intelligente, elle a mis une décennie pour grappiller 59 centièmes sur 100 mètres, pour passer de 11’63 à 11’04.

Sa non-qualification pour les Jeux olympiques de Sydney, en 2000, n’a pas coupé net son élan. Elle prend un peu de recul, décroche un diplôme en logopédie et audiologie à l’université de Leuven, avant de récolter, au plus haut niveau, les fruits de son dur labeur maîtrisé : championne d’Europe en salle sur 60 mètres à Vienne (2000). Puis vice-championne continentale sur 100 et 200 mètres, en extérieur, à Munich, en 2002. Le temps de digérer son nouveau statut et la voici repartie de plus belle : finaliste aux Mondiaux en salle à Budapest (2004), participation à la finale du 100 mètres et du 4 x 100 mètres des J.O. d’Athènes (2004), or aux 60 mètres en salle à Madrid (2005).

L’année 2006 est celle de la maturité pour la plus célèbre affiliée du club de Vilvorde AC. A 28 ans, elle se présente à l’Euro de Göteborg avec d’excellentes références : double record de Belgique sur 100 mètres et 200 mètres au stade Roi Baudouin, le 9 juillet. En l’absence de quelques favorites, dont la Française Chris- tine Arron, Kim Gevaert est considérée comme la fille à battre. Avec le brio que l’on sait, la Belge, débarrassée de son complexe de fragilité dans les grands rendez-vous, va faire coup double sur ses deux disciplines de prédilection. La princesse du sprint est bel et bien devenue reine à Göteborg. Sourire entendu. Mais quel qualificatif faudra-t-il employer en cas de couronnement aux prochains J.O. de Pékin (2008) ?

Alexandre Charlier

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