Katanga : le minerai passe par le rail

Le nouveau départ des mines du Katanga pourrait représenter des opportunités intéressantes pour les entreprises wallonnes. Un besoin pour les mines elles-mêmes et, plus encore peut-être, pour le nécessaire redéploiement du chemin de fer.

Les membres de la délégation de la Région wallonne sont ébahis quand ils visitent, sous bonne escorte, lors d’une mission économique au mois de novembre, les ateliers centraux de la SNCC, la Société nationale des chemins de fer congolais, à Lubumbashi (Katanga). Les abords des quelques hangars sont envahis de carcasses de wagons, gigantesque capharnaüm de l’histoire ferroviaire du Congo. Ici et là, des groupes d’ouvriers s’affairent, mais le c£ur n’y est pas. Les moyens moins encore. La forge et les machines-outils datent d’avant l’indépendance de 1960, rien n’a changé depuis. La moyenne d’âge des ouvriers est de 55 ans, et s’ils viennent encore au travail, alors qu’ils ne sont plus payés depuis plus de trois ans, et que les grèves qu’ils ont menées en 2009 n’ont servi à rien, c’est pour ne pas perdre leurs droits à une hypothétique retraite.

 » D’ici peu, les Chinois auront mis la main sur tout ceci « , confie, désabusé, Jean-Pierre De Zutter, administrateur délégué de Daxi, une société carolorégienne active dans le domaine ferroviaire, venu s’enquérir des possibilités d’affaires au Congo dans le cadre de la mission de l’Awex (Agence wallonne à l’exportation) emmenée par le ministre wallon de l’Economie Jean-Claude Marcourt (Le Vif/L’Express du 26/11/2010).

Pourtant, il y a de l’espoir. Aujourd’hui comme hier, la première richesse du pays, et singulièrement du Katanga, c’est l’exploitation du sous-sol, véritable coffre-fort de la planète : or, platine, cuivre, fer, uranium, diamant, coltan, cobalt, charbon… Le secteur minier, touché par la crise financière, semble se relever grâce à la reprise générale de la demande, mais aussi grâce à un assainissement du climat économique du Congo : maîtrise de l’inflation, annulation d’une part importante de la dette extérieure, adhésion à l’Ohada (Organisme africain pour l’harmonisation du droit des affaires)…

Encore faut-il que les investisseurs miniers puissent disposer de la logistique nécessaire. Le gouvernement congolais l’a bien compris, puisqu’il place la réforme des infrastructures au premier rang des efforts pour la reconstruction du pays. Si le site minier de Tenke Fungurume Mining (un investissement de 2 milliards de dollars), considéré comme le meilleur producteur de cuivre au Congo, veut atteindre ses objectifs et passer de 110 000 à 400 000 tonnes par an, il lui faudra pouvoir compter sur un chemin de fer modernisé, car le transport du minerai par la route s’avérerait une catastrophe.

La SNCC gère 3 640 km de voies, dont 858 électrifiées (quand il y a du courant). Elle couvre les provinces du nord et de l’est du Congo (plus des trois quarts du territoire), dont le Katanga, la province la plus méridionale, auquel elle ouvre la porte des ports sur l’océan Atlantique via l’Angola ou le port congolais de Matadi, tandis que l’océan Indien, lui, est accessible via les interconnexions avec la Tanzanie, le Mozambique ou l’Afrique du Sud.

Un management belge

Depuis 2008, à la suite d’un appel d’offres international, la SNCC est gérée par la SA Vecturis, société belge active dans le secteur des chemins de fer en Afrique. Le pari est énorme : la SNCC n’a pas d’argent, est incapable d’exploiter correctement son réseau faute de modernisation (elle enregistre un déraillement par jour !), et ne peut payer les salaires. Comment faire face dès lors à l’augmentation annoncée du trafic minier, qui devrait passer de 100 000 tonnes en 2010 à plus de 900 000 tonnes en 2015 ?

L’aide est venue de la Banque mondiale (BM), qui a libéré une somme de 255 millions de dollars pour aider, durant la période 2010-2015, le Congo à remettre à flot ses infrastructures de transport (routes, chemin de fer, voies fluviales…) via le PTM (projet de transport multimodal). Pour la seule SNCC, l’intervention de la BM est de 218 millions de dollars. Le financement du PTM sera également assuré par une intervention de 200 millions de dollars accordés par le gouvernement de Kinshasa grâce à un prêt chinois, et de 173 millions provenant du budget national. Le projet doit également apurer le passif social, en permettant le paiement des retraites.

Des rails et des locos

Pour la SNCC, selon la programmation établie par Vecturis, pas moins de 324 millions de dollars seront nécessaires pour la rénovation de l’infrastructure de la dorsale minière du Katanga (700 km à renouveler entre Likasi et Lubumbashi, ou à conforter vers Tenke et Kolwezi) et pour la mise à niveau du matériel roulant : acquisition de 30 locomotives (il n’y en a que 20 actuellement) et de 60 wagons passagers, ainsi que réhabilitation de 20 locos, 80 wagons passagers, et 1 800 wagons de fret.

Les 623 millions de dollars du PTM seront peut-être le déclic qui rassurera les entreprises minières : assurées de disposer des moyens indispensables pour écouler leurs minerais, elles pourront investir et participer au développement du pays, offrant aux sous-traitants du travail dans le forage, la maintenance du matériel, la transformation de minerais, la construction de logements ou les études géologiques. Des perspectives intéressantes pour la Wallonie, terre historique de mines et de carrières, de chemin de fer et de génie civil. Et aussi de formation à tous ces métiers.

MICHEL DELWICHE, À LUBUMBASHI

LA SNCC ENREGISTRE UN DÉRAILLEMENT PAR JOUR

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