joue-t-on sur les mots ?

Karin Rondia Journaliste free-lance

Deux fois plus chers que le beurre et quatre fois plus que la margarine, les produits à tartiner hypocholestérolémiants sont désormais des stars du marché. Mais certains s’alarment de leur toxicité à long terme.

Il m’a toujours semblé paradoxal de vouloir faire améliorer son cholestérol en mangeant des matières grasses !  » Le Pr Michel Hermans, du service d’endocrinologie et nutrition des cliniques universitaires Saint-Luc (UCL), n’oriente habituellement pas ses patients vers ce type d’aliments fonctionnels.  » Soit on n’a pas trop de cholestérol et ces produits sont des dépenses inutiles, soit on en a trop et il serait plus avisé d’investir cet argent dans des consultations avec son médecin généraliste ou un spécialiste du cholestérol et/ou pour acquérir des médicaments hypocholestérolémiants.  » De fait, c’est dans cette brèche que jouent les margarines aux stérols végétaux, censées diminuer le taux de mauvais cholestérol. Les consommateurs espèrent par là pouvoir éviter de franchir le chiffre fatidique de cholestérol qui les précipite dans la catégorie  » à risque cardio-vasculaire « .

En réalité, ces produits sont effectivement capables de faire baisser le cholestérol de 10 % ( pour faire simple, disons qu’ils entrent en compétition dans l’organisme avec les mécanismes d’absorption du cholestérol). Mais, attention : cela n’est vrai qu’à la condition très restrictive que l’alimentation soit par ailleurs parfaitement équilibrée – fruits et légumes en quantité, peu de viande, des acides gras polyinsaturés pour le reste des apports lipidiques – et que l’on s’astreigne à un minimum d’activité physique. Sans quoi, le miracle annoncé sur l’étiquette restera lettre morte.

Dangereux à long terme ?

Mais il y a beaucoup plus gênant. Quelques publications récentes ont carrément mis en cause ces fameuses margarines, en se basant sur des observations selon lesquelles les stérols végétaux se retrouveraient au c£ur des plaques d’athérome qui tapissent les artères malades. Et pas seulement chez les souris de laboratoire, mais aussi dans les fragments de plaque retirés d’opérations des carotides. Les fameux stérols végétaux participeraient-ils donc eux-mêmes à l’athérosclérose ? Des voix s’élèvent pour dénoncer l’absence d’études de toxicité à long terme de ces produits. Car, comme il ne s’agit pas de médicaments, ils n’ont pas été soumis à des exigences très rigoureuses avant d’être commercialisés. N’a-t-on pas été un peu vite en besogne en les autorisant sans autre investigation ?

Le Dr Régis Radermecker, endocrinologue au CHU du Sart Tilman (ULg), est lui aussi très réservé vis-à-vis de ces produits.  » Il est clairement démontré que les phytostérols diminuent le taux de mauvais cholestérol circulant (LDL). Mais l’industrie agroalimentaire en a fort rapidement conclu que diminuer ce taux de LDL conférait une protection cardio-vasculaire. C’est un raisonnement un peu court, parce qu’il faut d’abord faire la preuve que ces phytostérols, qui prennent la place du cholestérol, ne sont pas eux-mêmes toxiques. Et c’est là que leur présence dans les plaques d’athérome est inquiétante, d’autant plus que l’on sait que les phytostérols sont plus sensibles à l’oxydation que le cholestérol. Or l’oxydation est l’un des principaux mécanismes de l’athérosclérose.  » En d’autres mots, ne remplace-t-on pas le cholestérol par… pire ? D’ailleurs, comme le fait remarquer la revue médicale française Prescrire, connue pour son indépendance vis-à-vis de l’industrie, les produits aux stérols végétaux n’ont jamais apporté la preuve de leur capacité à réduire l’incidence des accidents cardio-vasculaires dans des études contrôlées.

Tout au plus les stanols (Benecol®) seraient-ils potentiellement moins méfastes que les stérols (Becel pro-activ®, Danacol®)…, mais c’est surtout faute d’avoir poussé les investigations aussi loin que sur les stérols. En jouant ainsi sur les mots, ne joue-t-on pas avec les pieds des consommateurs ? Ou, pis, avec leur santé ?

Karin Rondia

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