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Je vois des choses que tu ne vois pas…

Une psychose nait de la conjonction entre une vulnérabilité génétique et un contexte néfaste. C’est une expérience déstabilisante. Il importe d’intervenir rapidement.

Établir des liens là où il n’y en a pas, entendre des voix, être persuadé que la sécurité de l’état vous a placé sous écoute, tout cela peut être très angoissant. « La psychose est en premier lieu un problème de perte de contact avec la réalité », explique le professeur Ruud van Winkel, psychiatre rattaché à l’UPC KULeuven.

Cette perte de contact avec la réalité se traduit par des hallucinations et des délires, et les personnes qui souffrent de réelles psychoses croient dur comme fer que leurs hallucinations reflètent la réalité. Raison pour laquelle elles attendent souvent longtemps avant de chercher de l’aide.

Vaste éventail

Environ 3% de la population souffre d’un trouble psychotique nécessitant un traitement psychiatrique. Ce chiffre comprend un vaste éventail de symptômes possibles: « Contrairement à ce que nous pensions auparavant, il n’existe pas de combinaison typique de caractéristiques, explique le Pr van Winkel. L’évolution et les conséquences d’une psychose varient aussi fortement d’une personne à l’autre. Certaines personnes vivent un seul épisode psychotique et n’en gardent pour ainsi dire aucune séquelle. D’autres deviennent des malades chroniques et en souffrent énormément. Ce dernier groupe est plus difficile à traiter et voit souvent s’y ajouter un diagnostic de schizophrénie, une forme chronique de psychose. »

Don spécial

Une enquête dans la population néerlandaise a révélé que 18% des Néerlandais avaient déjà présenté des symptômes pouvant être reliés à une psychose. Ce qui est étonnant, c’est que seule une petite minorité se retrouve hospitalisée. « La grande majorité des personnes interrogées décrivaient leur expérience comme quelque chose de ‘paranormal’. Elles considéraient leur sensibilité comme un don particulier. Les symptômes ne sont en effet pas toujours menaçants ou invalidants. Dans de nombreux cas, on peut très bien vivre avec. » Quand est-il dès lors recommandé de se faire aider? « Lorsque l’on en ressent le besoin, répond simplement le psychiatre. Mais le feedback de l’entourage direct est important aussi: si votre partenaire, un ami ou un collègue constate que vous vous comportez bizarrement et que vous avez des idées farfelues, il est sage de consulter votre médecin. »

Je vois des choses que tu ne vois pas...

Deux facteurs déterminent la nécessité d’une demande d’aide, et son importance: « D’une part, il y a la nature des symptômes. Entendre une voix amicale qui vous encourage, c’est bien différent d’entendre une voix désagréable qui vous serine que vous ne valez rien. Mais la manière dont votre entourage proche réagit à votre expérience est importante aussi. Un entourage stressant et excluant peut mener à une psychopathologie, alors que des proches compréhensifs ont un pouvoir protecteur. »

La psychose s’ancre inévitablement dans le contexte sociétal. « La manière dont nous réagissons face à la différence détermine en partie la mesure dans laquelle les ‘malades’ perçoivent leur différence comme problématique. Pensons par exemple à quelqu’un qui a l’idée d’être voyant ou chaman. Peut-être cette personne souffre-t-elle assez peu de certaines hallucinations ou voix du fait que son entourage la considère déjà comme un peu spéciale. »

Gènes et contexte

Si vous êtes harcelé ou exploité, vous courez davantage de risque de développer une psychose. Il en va de même des victimes de négligence et de discriminations. Les migrants courent moins de risque lorsqu’ils grandissent dans des quartiers où vivent beaucoup d’autres migrants. À l’inverse, ceux qui grandissent dans des écoles et quartiers à majorité « autochtone » courent jusqu’à cinq fois plus de risque de psychose. « Dans ce cas aussi le contexte intervient. Faire l’expérience d’être différent rend plus vulnérable. Cela pourrait expliquer pourquoi les gens qui vivent en ville développent plus souvent une psychose. La cohésion sociale y est généralement plus faible, ce qui peut donner lieu plus vite à un sentiment d’aliénation. »

Les gènes jouent également un rôle important, comme le prouvent des études menées sur des vrais jumeaux: « Lorsque l’un des jumeaux développe une schizophrénie, son frère ou sa soeur a environ 50% de chance d’en développer une aussi. La psychose nait de la conjonction entre gènes et contexte néfaste. La consommation de drogue par exemple accroit considérablement le risque. Depuis 2004, nous voyons une légère augmentation des chiffres. Il est probable que cela soit dû en partie aux plus fortes concentrations de THC dans le cannabis. »

Traitement

« À un stade avancé, les antipsychotiques sont parfois recommandés. Mais lorsque nous agissons rapidement, nous pouvons obtenir de bons résultats avec des interventions psychosociales ou psychothérapeutiques. Pour limiter les risques, il faut mener une vie régulière et saine: bien se reposer la nuit, éviter les pics élevés de stress et ne pas consommer de cannabis. Ces conseils valent aussi pour les personnes qui ont déjà traversé un épisode psychotique, plus susceptibles de vivre un nouvel épisode. Pour la grande majorité, un mode de vie sain combiné à un suivi périodique par un médecin ou un psychologue fonctionne bien. »

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