» Je ne vais pas détricoter ce qui a été décidé avant moi « 

Comment Evelyne Huytebroeck va-t-elle gérer l’Aide à la jeunesse et la pléthore de places fermées annoncées pour 2012 ? Entretien avec la nouvelle ministre Ecolo.

Le Vif/L’Express : Trois portefeuilles à la Communauté française, idem à la Région bruxelloise, sans compter la Cocof. Vous ne pensez pas que la charge est un peu lourde pour une seule ministre ?

> Evelyne Huytebroeck : Ne m’effrayez pas ! ( Sourire.) Cela paraît beaucoup, oui. Mais je suis très organisée, je sais déléguer, je travaille avec de très bons cabinets et en étroite collaboration avec les administrations. En Flandre, cela fait longtemps que les ministres s’occupent de matières à la fois régionales et communautaires. Cela ne surprend plus personne.

Vous êtes chargée de l’Aide à la jeunesse à la Communauté française. Un portefeuille délicat…

> De l’Aide à la jeunesse mais aussi de la Jeunesse ! Je compte gérer ces matières comme un tout. Aujourd’hui, les jeunes sont face à des problèmes plus grands qu’il y a vingt ans, que ce soit au niveau de l’emploi, du logement, de l’environnement, de la mobilité. C’est la raison pour laquelle nous avons négocié un Plan jeunesse qui, à travers les entités fédérées et locales, permettra d’aider les jeunes dans toutes ces problématiques. Je veux aussi agir sur l’image des jeunes, pour qu’on arrête de les voir comme des délinquants potentiels. Enfin, il y a un enjeu particulier dans les grandes villes, où l’on trouve davantage de jeunes issus de l’immigration.

Les récentes émeutes de Molenbeek montrent qu’il y a encore du boulot…

> C’est vrai. C’est le problème de la mixité sociale, de la discrimination à l’embauche, du fossé entre quartiers nantis et moins nantis… Nous voulons notamment mener une politique d’information des jeunes pour qu’ils aient davantage accès à toutes les opportunités qui leurs sont offertes.

En 2012, la capacité des centres fédéraux fermés aura triplé. Avec les IPPJ, la Communauté française disposera de 240 places fermées. Du jamais-vu. En tant qu’Ecolo, considérez-vous cette offre comme nécessaire ?

> Ces chiffres ont fait l’objet d’un protocole entre les Communautés et le fédéral, mais ce ne sont, pour l’instant, que des projections. Cela dit, je ne vais pas m’amuser à détricoter tout ce qui a été décidé avant moi, même si certaines de ces décisions ont été combattues par mon groupe. Ce serait une perte de temps.

Depuis dix ans, on enferme de plus en plus les jeunes délinquants. Comptez-vous inverser cette logique politique de l’enfermement ?

> Ecoutez, il y a des jeunes pour lesquels c’est nécessaire. Je ne suis pas pour l’impunité. Mais l’enfermement n’est pas non plus mon credo. En outre, quand on enferme un jeune, il faut penser au moment où il va sortir. Pour moi, il faut mettre davantage de moyens sur l’accompagnement pendant son enfermement et à sa sortie. Je veux aussi développer les mesures alternatives, que ce soient les prestations éducatives, les travaux d’intérêt général, la médiation, la concertation restauratrice de groupe…

On sait que la politique d’enfermement répond à des événements qui ont fait la Une des journaux et ont donc mobilisé les agendas politiques. Comment comptez-vous résister à cette pression ?

> Ce n’est pas facile de résister à des émotions populaires, mais j’ai une certaine expérience, tout de même. Au cabinet, nous savons que nous risquons de vivre des situations de crise. Nous préparons déjà le terrain pour le jour où… Mais je ne vais pas me focaliser là-dessus. Je préfère, pour l’instant, me lancer dans des projets à long terme.

Les magistrats de la Jeunesse disent souvent être confrontés à des délinquants de plus en plus violents et de plus en plus jeunes. Considérez-vous que les jeunes soient plus dangereux qu’avant ?

> Aucun chiffre ne montre qu’il y a plus de délinquance aujourd’hui qu’hier. Maintenant, je ne peux pas nier le constat des magistrats, que je compte d’ailleurs rencontrer. Il faut s’interroger sur les raisons de cette violence. N’est-elle pas induite par notre société de consommation ? La violence dans les médias, dans les jeux vidéo, sur Internet, tout cela mérite une réflexion. Je suis de ceux qui prônent de développer davantage l’éducation aux médias.

Près de 13 % des jeunes pris en charge par l’Aide à la jeunesse sont des mineurs délinquants, les autres (87 %) sont des mineurs en danger. Ils ne font pas la Une des médias. Or, pour eux, on pleure après les moyens de placement ou d’accompagnement. Votre solution ?

> Ma priorité est la prévention. Je vais donc me pencher sur le cas de tous les services d’aide. Pour commencer, je veux réaliser un état des lieux pour mieux adapter l’offre aux besoins. Cela me paraît primordial. Je veux aussi renforcer le dialogue entre l’Aide à la jeunesse et le milieu scolaire. Je pense, par exemple, qu’il faut développer les services d’accrochage scolaire.

Vu les budgets en Communauté française, vous ne pourrez pas faire de miracles…

> Non. Je ne fais d’ailleurs pas de promesses en l’air. Mais, dans la déclaration gouvernementale, la jeunesse est tout de même une priorité. Des efforts budgétaires devront donc être consentis.

Le ministre de la Justice Stefaan De Clerck a enterré le stage parental, en annonçant la fin des subsides. Une bonne chose ?

> Ecolo n’a jamais soutenu cette mesure. Mais ce serait dommage de perdre ce subside fédéral qu’on pourrait utiliser autrement. D’autant que les associations chargées de mettre en pratique le stage parental semblent en avoir tiré le meilleur parti. Il y a peut-être moyen d’aider les parents autrement, sans les culpabiliser ni les prendre en pitié.

ENTRETIEN : THIERRY DENOËL

 » Je ne suis pas pour l’impunité. Mais l’enfermement n’est pas non plus mon credo « 

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