Jan Peumans :  » Je ne suis pas quelqu’un de facile « 

Le président du parlement flamand plaide pour une attitude conséquente en matière communautaire, critique le recours à répétition au conflit d’intérêts et balaie les questions qu’il juge superflues.

« Ces derniers temps, j’ai l’impression que d’aucuns trouvent ma fonction plus importante que moi-même « , déclare Jan Peumans (N-VA). Le président du parlement flamand fulmine à propos du flot de critiques dont il a récemment fait l’objet, mais semble tout autant savourer pleinement toute cette attention. Rencontre.

Le Vif/L’Express : Ne comprenez-vous donc pas que beaucoup de Flamands ont du mal à accepter le fait que vous ne vous soyez pas rendu à la réception du Nouvel An du roi le mois passé ?

Jan Peumans : Pas du tout. Il y a tout de même des choses beaucoup plus importantes dans ce pays que ma présence à une réception, non ? Dans le règlement du parlement, il est d’ailleurs clairement stipulé que le président peut se faire remplacer par un vice-président si lui-même est empêché.

Aviez-vous un problème d’agenda ?

(Il ricane.) Oui, car au même moment je devais recevoir la présidente du parlement basque. Vous savez, tout avait été soigneusement réglé : Carl Decaluwé (CD&V) devait prendre ma place dans la rangée des dignitaires. Jusqu’à ce qu’un fonctionnaire du protocole zélé vienne y mettre son grain de sel. Je vais prochainement inviter cet homme à un entretien, car je veux lui demander comment nous pourrons éviter de telles situations à l’avenir. Même si je pense que je connais déjà sa réponse.

Un président du parlement peut-il faire passer ses convictions personnelles avant les responsabilités de sa fonction ?

Mais non ! La seule question pertinente est : le président peut-il se faire remplacer par le vice-président ? Et la réponse est oui. La partie qui reçoit doit s’incliner devant cette décision. Un point, c’est tout.

Si le roi vous invitait à une audience, vous accepteriez de vous rendre au palais. Pourquoi pouvez-vous mettre vos principes républicains en veilleuse pour une telle rencontre ?

Quand le roi vous reçoit en audience, il s’agit en général d’une affaire sérieuse – je commence déjà à trembler quand j’y songe. Une réception est quelque chose de totalement différent. Est-ce donc si difficile à comprendre ?

Votre conviction républicaine trouve-t-elle son origine dans les activités de votre famille pendant la guerre ?

Chaque famille a un passé pendant la guerre. Pourquoi le mien aurait-il plus d’impact que celui de quelqu’un d’autre ?

Parce que votre oncle Jules a été abattu par la Résistance sous les yeux de vos cousins dans la cour de récréation de l’école où il enseignait.

e n’ai pas fait la guerre et mon père n’a rien eu à voir avec la collaboration. Son frère si, et il a en effet été abattu en 1943. A la maison, on n’en parlait jamais, mais cet événement nous a naturellement poursuivis. C’est ainsi que mes enfants ont un jour été traités de  » traîtres  » dans notre village et je reçois parfois des courriels dans lesquels on me qualifie de  » sale collabo « . De la pure bêtise, naturellement.

Qu’attendez-vous de la solution pour l’arrondissement Bruxelles-Hal-Vilvorde que Jean-Luc Dehaene (CD&V) est en train de concocter ?

Pas grand-chose. Pour la Flandre, il y a trois points importants auxquels on ne peut pas toucher. Tout d’abord, ces trois fameux bourgmestres de la périphérie bruxelloise ne peuvent pas être nommés tant qu’ils continueront à n’en faire qu’à leur tête. Ensuite, nous maintenons les célèbres circulaires de Leo Peeters et de Luc Martens. Enfin, il y a le décret sur l’inspection des écoles francophones en Flandre qui a été adopté par une très large majorité de la Chambre et sur lequel il n’est pas question de revenir. Dehaene devra donc sortir autre chose de son chapeau. J’ai lu récemment dans le journal qu’il songerait à une loi provisoire. La scission de BHV. pourrait ainsi être reportée au-delà des élections fédérales. Ensuite, le dossier serait définitivement résolu dans le cadre d’un grand accord communautaire.

Est-ce un scénario acceptable ?

En 2007, le projet de loi relatif à la scission de l’arrondissement a été approuvé en commission de l’Intérieur de la Chambre. Dans une démocratie normale, on aurait donc déjà dû voter là-dessus depuis longtemps en assemblée plénière. Mais pas en Belgique. Ici, depuis plus de deux ans, on invoque un conflit d’intérêts après l’autre pour gagner du temps. Même la Communauté germanophone, qui n’a aucun lien avec BHV, s’est prêtée à ce jeu ! De telles situations font tout de même étrangement penser à une république bananière, non ? La Flandre ne peut invoquer qu’un seul conflit d’intérêts alors que les francophones peuvent le faire quatre à cinq fois. C’est très démocratique, tout ça !

Les Flamands n’ont-ils pas intérêt à se montrer très parcimonieux dans le recours au conflit d’intérêt s ?

Si vous invoquez un conflit d’intérêts, vous devez être certain que cela peut mener à une solution. Sinon, cela n’a pas de sens : une fois que la procédure est terminée, le traitement parlementaire de la proposition en question se poursuit tout de même. C’est pourquoi j’entrevois plus de possibilités dans la démarche consistant à invoquer des conflits de compétences car alors, on peut obtenir gain de cause auprès de la Cour constitutionnelle. Si un niveau politique a outrepassé ses compétences, la Cour dit : stop, ne touchez pas à cela. Ce qui a un impact beaucoup plus important.

ENTRETIEN : ANN PEUTEMAN

LA Belgique ressemble à une république bananière

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