Jacques Borlée – Chef de clan

Alexandre Charlier
Alexandre Charlier Journaliste sportif

A la tête d’une famille en or, le père d’Olivia, championne olympique, de Kevin et de Jonathan est une « grande gueule » atypique dans le milieu de l’athlétisme. Un sprinteur qui se sent investi d’une maission.

de Kevin et de Jonathan est une  » grande gueule  » atypique dans le milieu de l’athlétisme. Un sprinteur qui se sent investi d’une mission.

En ce vendredi glacial, le  » grand Jacques  » ne brave pas le vent qui souffle du côté du stade Fallon, à Woluwe-Saint-Lambert. L’entraîneur vedette du White Star Athletic Club est en séminaire à Poitiers.  » Pour apprendre aux Français à courir… « , s’amuse-t-il. L’homme, en effet, est fort demandé, même hors des pistes en tartan. Orateur redoutable, charmeur, blagueur, élégant en jogging comme en costume-cravate, Jacques Borlée a fait sensation dans l’Hexagone, où le gratin de l' » athlé  » bleu-blanc-rouge a bu ses paroles. D’évangile ? N’exagérons rien. Mais l’ancien athlète de haut niveau, spécialiste de la posture, sait de quoi il parle. Il l’a prouvé : c’est lui qui entraîne Olivia, Kevin et Jonathan, trois de ses… 7 enfants. Sa fille a été sacrée championne olympique dans le 4 x 100 mètres aux récents JO. Quant à ses jumeaux, c’est sûr, ils franchiront un jour la muraille qui s’est refusée à eux, à Pékin, pour une poussière de secondes.

Jacques fait ce qu’il dit. C’est sa ligne de conduite, sa  » philosophie « . Il a appris à ne croire qu’en lui. Au risque de faire grincer des dents… Pour atteindre l’excellence, en sport et dans la vie, Jacques fonce.  » Je n’ai jamais couru un marathon et je n’en courrai jamais !  » confie le sprinteur au physique aiguisé comme celui d’un gamin de 20 ans. Heureusement qu’il ne s’est pas spécialisé dans le javelot : il y aurait eu des morts ! En tout cas, le Bruxellois ne veille pas seulement aux intérêts de ses rejetons. Il se sent investi d’une mission, celle de nous sensibiliser aux bienfaits du sport. Dans un pays où l’activité artistique est davantage prisée que le cours de gym, c’est une fameuse course d’obstacles !

Surfant sans scrupule sur la notoriété acquise par sa belle descendance, Jacques Borlée a accepté de jouer les emmerdeurs. Tantôt auprès du Comité olympique et interfédéral belge, tantôt auprès de la Ligue royale belge d’athlétisme, tantôt auprès des politiques. Il n’est pas né de la dernière pluie et les arcanes des pouvoirs n’ont pas de secrets pour lui. Il en a profité pour recueillir des fonds pour Olivia, Kevin et Jonathan. Il a frappé à nombre de portes de ministères, de parlementaires, conseillers et autres éminences, en refusant les obscures promesses et les gentilles marques de soutien sans engagement. A Bruxelles, par exemple, il a obtenu, pour son projet de centre d’entraînement régional, l’aide du gouvernement de la Région. Des meetings sont annoncés, un complexe moderne avec piste couverte sortira de terre dans la capitale. Le mouvement est en marche, et Jacques a du souffle…  » Je ne suis pas un homme de pouvoir, mais un homme d’action « , dit-il de lui-même. Certes, mais quand vous bousculez les choses, vous attirez fatalement des inimitiés.  » Je l’accepte. Je sais que certains ne m’aiment pas. Mais quand vous êtes dans l’action et que votre expertise et votre projet sont justes, vous finissez par être suivi. « 

Pour Jacques Borlée, il n’y a pas de rêve inaccessible. Le tout est de s’entourer de spécialistes et, surtout, d’y croire. Le mental et encore le mental : c’est cette force psychologique qui a été décisive dans la médaille d’argent obtenue à Pékin par l’équipe du relais belge. Borlée déteste les discours low profile si courants, notamment dans le football belge.  » Comment peut-on dire à un sportif que c’est perdu d’avance ? On a un réel problème de mentalité chez nous… « 

En vociférant à tue-tête ce que l’on cache souvent, Jacques Borlée dérange, c’est clair. Certains lui reprochent aussi d’être trop ambitieux. Et de mal séparer ses intérêts personnels de ses projets professionnels, inscrits entre autres dans le cadre du nouveau  » Brussels Athletics « . Dans le landerneau très amateur de l’athlétisme belge francophone, des râleurs murmurent que le clan Borlée accapare beaucoup de place et de subsides, qu’il a oublié qu’il a longtemps été soutenu par les structures  » classiques « … Mais l’homme n’a plus de temps à perdre dans ces sempiternelles polémiques : il préfère consacrer son énergie à faire avancer son projet fédérateur et à inciter les jeunes, dont la condition physique laisse généralement à désirer, à découvrir ou redécouvrir le sport.

Borlée semble s’adoucir avec l’âge. Il accepte de s’entourer s’il ne maîtrise pas un sujet ; il écoute quand il ne connaît pas ; il rectifie lorsqu’il commet un faux pas. Comme avec Olivia, souffrant d’un burnout dû à une surcharge de travail au début de sa jeune carrière. Deux années difficiles émaillées de tracas physiques pour l’enfant prodige dont il se rappelle encore la naissance comme si c’était hier :  » Je suis descendu en pleine nuit dans la rue pour chanter et crier. Les gens ont dû me prendre pour un fou !  » Après ces difficultés, Jacques s’est montré davantage à l’écoute d’Olivia. Très exigeant lors des entraînements et des compétitions, il ne veut être un tyran une fois les feux du stade éteints. Le père a pris le dessus sur le coach.

Alexandre Charlier

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