Irréductibles Harenois
Exploration du site de la future prison en compagnie de quelques riverains.
C’est la » zone « . Un immense terrain vague au milieu de nulle part. Traversé par un sentier envahi de chardons, d’orties et de coquelicots. Champs et bosquets ne manquent pas de charme. En revanche, dans le creux de la vallée, le long de la rue du Witloof, la sombre carcasse d’une usine désaffectée est moins romantique : toitures à moitié effondrées, murs en ruines ou tagués, laine de verre en lambeaux, traces d’amiante… On ne compte plus, autour et à l’intérieur du bâtiment mal clôturé, les sacs blancs éventrés remplis de briquaillons, les bidons d’huile, pots de peinture et autres dépôts clandestins. Sur les viaducs et les talus qui barrent l’horizon, au nord et à l’ouest du site, défilent des trains de marchandise. De l’est surgissent, dans un vacarme assourdissant, les avions qui viennent de décoller du tarmac de Zaventem.
Bienvenue au Keelbeek, vaste espace vert situé entre Haren – village rattaché à la commune de Bruxelles-Ville en 1921 -, le boulevard de la Woluwe à Machelen, et la chaussée de Haecht à Diegem. Nous y avons rendez-vous avec une poignée d’irréductibles Harenois, qui résistent encore et toujours à l’implantation, sur ce terrain proche de leurs maisons, de la plus grande prison de Belgique. Des villageois victimes de nuisances sonores aériennes, mais aussi de l’enclavement de leur espace vital : Haren est coincé entre le dépôt nord de la Stib, en voie d’agrandissement, une gare de formation, les ateliers centraux d’Infrabel, les piliers de la connexion ferroviaire Diabolo, le canal de Willebroek, le ring de Bruxelles, les bâtiments d’Eurocontrol et le futur siège de l’Otan. Des infrastructures dont les quelque 4 700 habitants de la commune estiment ne retirer aucun bénéfice. Et auxquelles viendra s’ajouter la fameuse méga-prison.
Une zone verte rayée de la carte
» Le village est délaissé par les pouvoirs publics bruxellois, soupire Jean-Pierre Ramakers, 50 ans, domicilié à Haren depuis sa naissance. Peu d’investissements sont réalisés au bénéfice des habitants. En revanche, on déstructure progressivement la commune en y installant des services techniques et autres »mammouths ». Haren, c’est le »fourre-tout » de Bruxelles ! » Fabienne Delchevalerie, elle aussi membre du comité de quartier de Haren, cible le complexe carcéral qui s’élèvera aux portes du village. » Les politiques nous ont d’abord affirmé que la prison serait construite sur le site des anciennes usines Wanson, là où passe la frontière régionale entre Bruxelles et la Flandre. Puis, nous avons appris que ce secteur, à dépolluer, n’accueillera que les parkings et les bâtiments administratifs du futur pénitencier. Les ailes des détenus se retrouveront, en fait, plus au sud, en zone de biodiversité. Cet élargissement de la prison sur la partie bruxelloise du site fera disparaître le Keelbeek, notre poumon vert, et le chemin qui le traverse. »
Ce sentier de promenade relie Haren à Diegem, où bon nombre de Harenois font leurs courses, expliquent nos interlocuteurs. » Notre village n’a pas de boulangerie, de boucherie, de fromagerie et n’accueille plus de marché « , fait remarquer Stéphanie Guilmain, du même comité. Les villageois ont réclamé plus de concertation avec le fédéral. Mobilisés sur le Net, ils ont fait circuler des pétitions, ont suggéré des alternatives au périmètre envisagé. Aujourd’hui, ceux qui nous accompagnent dans les hautes herbes du Keelbeek relèvent les traces du passage de véhicules. » L’étude de terrain pour la prison semble avoir commencé « , constatent-ils avec dépit.
O.R.
» Haren, c’est le « fourre-tout » de Bruxelles »
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