Irak La reconstruction impossible

A Bagdad, la violence a baissé d’un cran. Mais, cinq ans après l’intervention américaine, le pays reste profondément divisé.

C’était il y a cinq ans et les Américains rêvaient d’un  » nouveau Moyen-Orient « . Lorsque, le 20 mars 2003, ils se lancent à l’assaut de l’Irak, le patron du Pentagone, Donald Rumsfeld, veut la tête de Saddam Hussein – ce qui ne prendra que quelques semaines – et ne se soucie guère du reste. Les néoconservateurs qui l’entourent sont persuadés qu’ils pourront construire une démocratie qui aura valeur d’exemple pour tous les peuples de la région. Les uns et les autres préfèrent ignorer les mises en garde des spécialistes du Département d’Etat qui savent, eux, que l’Irak, mosaïque de tribus et de communautés, est un pays compliqué…

Au lendemain de la chute du despote, les vainqueurs font le ménage. L’armée de Saddam est démantelée, les services de sécurité sont liquidés, les membres du parti Baas écartés des emplois publics. Cette politique dynamite les structures de l’Etat et précipite la minorité sunnite, longtemps privilégiée, dans l’opposition. Un mouvement insurrectionnel se développe, en partie instrumentalisé par Al-Qaeda, qui a trouvé là un nouveau terrain de bataille contre Washington. Le pays s’enfonce dans la violence.

Un pays à la merci des seigneurs de la guerre

Les conflits se juxtaposent : les sunnites se battent contre les Américains et les chiites, puis entre eux ; les chiites contre les sunnites, tout en se déchirant également entre factions rivales. D’autres acteurs, extérieurs, interviennent : l’Iran parraine l’expansionnisme chiite, l’Arabie saoudite cherche à le contrer. Les appels de Washington à la  » réconciliation nationale  » restent lettre morte.  » La tentative de reconstruction politique sous occupation était vouée à l’échec. Elle a enfermé le pays dans un cercle vicieux « , résume le chercheur français Jean-Pierre Luizard.

La donne a-t-elle changé ces derniers mois ? Depuis novembre 2007, la violence a baissé d’un cran (voir l’encadré). Reste à savoir si cette accalmie relative sera durable. Trois facteurs sont à l’origine de cette amélioration : la trêve décrétée en août 2007 par Moqtada al-Sadr, patron de l’Armée du Mahdi, le groupe chiite le plus radical, à la suite de sanglants affrontements interchiites ; le ras-le-bol d’une partie des sunnites face aux excès d’Al-Qaeda ; la nouvelle stratégie, enfin, mise en place par les Américains sous la houlette du général David Petraeus. Celui-ci a su retourner plusieurs grandes tribus sunnites, qui ont mis leurs milices au service de l’armée américaine. Ces supplétifs, payé 300 dollars par mois, seraient aujourd’hui 80 000, implantés surtout dans la moitié nord du pays.

La situation demeure cependant fragile. La trêve voulue par Moqtada al-Sadr est contestée par la base du mouvement. Il est surtout difficile de savoir sur quoi débouchera à terme la politique tribale de David Petraeus. Pessimiste, Jean-Pierre Luizard estime que cette multiplication des allégeances risque de livrer le pays aux seigneurs de la guerre. Il ne croit pas non plus à la défaite d’Al-Qaeda.  » Son objectif n’a jamais été, dit-il, de s’emparer du pouvoir. Mais d’enfermer durablement les Américains dans le piège irakien. « 

Le général Petraeus plaide pour le maintien, jusqu’à la fin de l’année au moins et sans doute pour plus longtemps encore, d’un corps expéditionnaire de 135 000 hommes.  » Après tout, rappelle Bruno Tertrais, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, les Américains sont bien restés cinquante ans en Allemagne…  » l

Dominique Lagarde

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