Impardonnable otage

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Dans Bashing, Masahiro Kobayashi évoque l’hostilité visant à son retour une ex-otage japonaise au Moyen-Orient. Stupéfiant !

Les mois d’épreuves endurées sous la menace permanente de kidnappeurs terroristes n’auront donc pas suffi. De retour au Japon après sa libération, il aura encore fallu que Yuko soit la victime du harcèlement de compatriotes lui infligeant menaces, mépris, vexations et mêmes agressions violentes ! Comment une ex-otage au Moyen-Orient peut subir pareil  » accueil  » dans son propre pays, perdre son emploi et survivre dans une hostilité quasi-générale, Bashing le montre de manière sobre et saisissante.

Le réalisateur Masahiro Kobayashi a tiré d’un fait-divers réel la matière d’un film de fiction tourné un peu à la manière d’un documentaire.  » Je me suis inspiré de l’histoire d’une volontaire partie en Irak pour aider la population, et qui fut enlevée, gardée en otage puis libérée et violemment rejetée par de nombreux Japonais à son retour au pays « , explique le cinéaste, qui n’a conservé de cette source que l’anecdote, librement transposée dans un film visant à éveiller les consciences sur un phénomène inquiétant.

 » La jeune femme du récit est bien sûr victime d’une tradition nippone voulant qu’on ne puisse perdre la face, et faire perdre la face à la nation dont on fait partie. Celui qui, humilié, a par-là même humilié le pays, se le voit reprocher. S’y ajoute un sentiment de reproche vis-à-vis du simple fait qu’elle puisse être partie volontairement aider des étrangers et qu’elle a un peu cherché ce qui lui est arrivé. On préfère la critiquer, la viser, plutôt que d’essayer de comprendre…  » Le phénomène, pense Kobayashi, remonte au plus niveau de l’Etat, puisque  » le Premier ministre Koizumi a publiquement et sévèrement tancé les volontaires partis en Irak, un autre ministre ajoutant que, si les gens sont libres d’aller là ou ils veulent, c’est à leurs risques et périls, et que le Japon ne devrait plus les aider en cas de kidnapping « . Et de préciser que  » le harcèlement des otages est une question taboue, personne n’acceptant d’en discuter ouvertement « . Le cinéaste espère que Bashing ( » harcèlement « ) a de quoi créer un nécessaire débat,  » un débat qui dépasse la seule question des otages revenus du Moyen-Orient, car ce que le film expose est valable aussi pour toute une série d’autres minorités mal vues et maltraitées, qui ne peuvent le plus souvent que courber le dos et endurer…  »

Fusako Urabe, actrice de plusieurs films précédents du réalisateur, interprète le personnage de Yuko avec une rare intensité. Ce petit bout de femme énergique, comédienne concentrant beaucoup d’expressivité retenue dans un jeu vierge d’effets faciles, campe de façon mémorable et douloureuse un personnage que Kobayashi a écrit en pensant à elle. Cette performance unique achève de rendre plus que troublante la vision d’un Bashing, par ailleurs composé comme une épure par un metteur en scène alliant rigueur de la forme et propos virulent. Le réalisateur de Bootleg Film (1998), Film noir (2000), Man Walking on Snow (2001) et Flic (2005) a toujours manifesté l’exigence esthétique et morale d’un artiste expérimentateur. Cette fois, par la nature de son sujet et l’émotion que son actrice libère, Masahiro Kobayashi ouvre son cinéma à un public moins exclusivement cinéphile. Sans nul doute une des curiosités marquantes de notre été cinématographique, Bashing mérite le détour.

Louis Danvers

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