Il soigne nos vieilles pierres

Guy Gilsoul Journaliste

Ecouter et soigner églises et cathédrales, demeures et palais, tel est le métier de Ghislain Claerbout. Rencontre à l’occasion des Journées du patrimoine.

Depuis 25 ans, Ghislain Claerbout (photo), qui dirige aujourd’hui la société Monument-Hainaut, se penche sur notre patrimoine. Il l’écoute, le questionne et agit. Des cathédrales fameuses au Palais de justice de Bruxelles, des églises gothiques au Val Saint Lambert ou aux ruines de Villers-la-Ville, sa passion pour le patrimoine n’a fait que grandir et son savoir-faire s’exporter. Un bel exemple est fourni par la restauration de la flèche de l’hôtel de ville de Bruxelles.  » Une véritable dentelle de pierre, s’extasie-t-il. Elle culmine à 92 mètres avec la sculpture-girouette de saint Michel lourde de trois tonnes. Elle est aussi la plus élancée d’Europe. Comment résiste-t-elle aux vents ? J’ai remarqué la présence régulière de ceintures métalliques dont les épaisseurs variaient en fonction de leur emplacement sur toute la hauteur. Autrement dit, les bâtisseurs gothiques devaient connaître la théorie des forces.  »

Afin de prodiguer les meilleurs soins, Ghislain Claerbout doit aussi percer le secret de l’architecture :  » Tout est réglé par un tracé régulateur, explique-t-il. Comme dans toute architecture digne de ce nom, les mesures renvoient à un module de base déterminé par une dimension. A l’époque gothique, le pied. Mais la mesure de celui-ci varie non seulement d’une région à l’autre mais aussi d’un bâtiment à l’autre. A Notre-Dame du Sablon, à Bruxelles, le pied vaut 33 cm. Il est, chose rarissime, gravé derrière l’autel. A partir de lui, on peut chercher le carré de base, puis le double carré symbolique déjà présent dans les premières églises chrétiennes d’Arménie (au Ve siècle), le relever et d’étape en étape, retrouver la logique (vectorielle) de tout l’édifice.  »

Respecter l’esprit du lieu

Et comment choisit-on l’emplacement ?  » Ce sont toujours des lieux privilégiés, répond-il. La cathédrale de Tournai est posée sur le dernier éperon rocheux avant la plaine marécageuse des Flandres. Un site déjà choisi par les Celtes, les Romains, les Mérovingiens, l’âge roman et enfin le gothique. Soit plus de 2 500 ans de présence sacrée sur un même lieu. Avec ses baguettes, un sourcier a retrouvé l’emplacement de l’autel roman placé juste au-dessus du croisement de deux champs magnétiques perpendiculaires !  »

Cet esprit du lieu mérite le respect, insiste Ghislain Claerbout.  » Ce serait peut-être le mot-clé d’une restauration réussie. Un des derniers chantiers concernait le mémorial des Canadiens à Vimy (près d’Arras). Après un peu moins de cent ans d’existence de ce lieu de mémoire de la guerre 14-18, les pierres étaient mortes. Mais on y avait gravé les noms de 11 285 soldats. Alors, avant de les jeter dans le container, j’ai tenu à faire effacer toutes ces lettres. Puis, les artisans se sont mis au travail sur les nouvelles. Soit 174 000 lettres incisées à la pointe et au couteau.  »

D’où la nécessité de compter sur une main-d’oeuvre adaptée :  » Nous avons dû créer notre propre école de tailleurs de pierre et de sculpture, conclut-il. Nous formons aussi des charpentiers et des vitrailleurs, des ébénistes, des ferronniers et des peintres de stuc. Là aussi, il faut s’adapter. La restauration du patrimoine gothique est en grosse partie terminé. Aujourd’hui, un siècle après leur construction, ce sont les architectures Art nouveau et Art déco dont nous allons être amenée à nous occuper.  »

Journées du patrimoine  » extra-ordinaire  » en Wallonie les 7 et 8 septembre. www.journéesdupatrimoine.be

A Bruxelles sur le thème  » Bruxelles, m’as-tu vu ?  » les 14 et 15 septembre. www.monument.isrisnet.be

Guy Gilsoul

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