IL FAUT LAISSER SES CHANCES À LA N-VA

En Flandre, la N-VA a raflé bien plus que 30 % des suffrages. Une victoire remportée surtout au détriment du Vlaams Belang. Ce détournement d’électeurs peut difficilement s’expliquer par le séparatisme : Bart De Wever a retiré ce point de son agenda voici plusieurs mois. Affirmer que la N-VA met à présent sur la table la scission de la Belgique ou de la sécurité sociale relève donc de la malhonnêteté intellectuelle. Mais peut-être certains voudront-ils, plus tard, illustrer leur détermination à participer à un gouvernement avec les nationalistes flamands par le fait qu’il n’est, en effet, pas question de scission…

La cinglante défaite du Belang s’explique sans doute par le programme de centre-droit de la N-VA. Ceux qui votaient auparavant pour le parti d’extrême droite se sont ralliés à lui parce qu’il incarne quelque chose de différent, de non traditionnel et parce que ses positions sur la criminalité et l’immigration sont très fermes. L’idée selon laquelle les troupes de De Wever se retrouvent dès lors contaminées (par la pensée d’extrême droite) est par conséquent déplacée.

La chute du parti xénophobe a aussi permis d’ouvrir le jeu politique flamand : tout à coup, plusieurs combinaisons sont devenues possibles. Le CD&V et l’Open VLD ont bien résisté, ce qui, au vu des prévisions, constitue une réelle victoire. Pourtant, outre la N-VA, seuls les écologistes de Groen sont sortis gagnants du scrutin. Parmi les perdants figure sans conteste le SP.A, qui a encore perdu du terrain dans les deux parlements. Malgré cette perte, les trois partis traditionnels ont renforcé leur position de négociation puisqu’ils disposent aussi d’une majorité dans le groupe linguistique flamand à la Chambre. Cette majorité leur était déjà acquise au parlement flamand mais cette tripartite classique y est très vulnérable.

Ainsi, avec ses 43 sièges, la N-VA peut demander l’avis du Conseil d’Etat pour le moindre décret ou amendement, à l’exception des budgets. Dans les commissions parlementaires aussi, elle peut peser sur les décisions. Plus important encore, pour les compétences régionales de la Flandre – à propos desquelles six élus bruxellois flamands ne votent pas – une tripartite classique représente 60 sièges sur 118. Ce n’est pas à proprement parler une majorité confortable. Donc, sans la N-VA, il faudra peut-être gouverner avec Groen. Or, la perspective d’un gouvernement régional à quatre partis n’est guère réjouissante.

Pour les francophones, l’information ne manque pas d’intérêt : au sud du pays, certains rêvent d’une tripartite classique dans tous les gouvernements, en tout cas dans le plus grand nombre possible. Or, en Flandre, si elle est peut-être un plan B inavoué, cette option est loin d’être une évidence. De plus, on veut priver la formation qui a remporté plus d’un siège sur trois de tous les arguments qui lui permettraient par la suite d’affirmer que les partis traditionnels l’ont exclue et que cette opération s’inscrivait dans une stratégie dépassant la frontière linguistique. Car il est clair à présent que les rangs sont serrés au sein de chaque famille politique. Pour la N-VA, qui n’en a pas, la tâche s’en trouve encore plus compliquée.

En Flandre, on ne pourra toutefois pas gouverner sans elle si toutes les chances ne lui ont pas préalablement été accordées, aux niveaux flamand et fédéral.

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par Carl Devos Politologue à l’Université de Gand.

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