Icône(s) en question

Barbara Witkowska Journaliste

Le nouvel accrochage à Maison Particulière, à Bruxelles, apporte un formidable éclairage sur cette source d’inspiration infinie pour les artistes. En vedette ? Le duo Pierre et Gilles, dont l’oeuvre ne cesse de jouer avec l’imagerie de nos fantasmes.

Une polyphonie passionnante ! Il serait utopique de résumer dans un fil rouge cette thématique vaste et forte. Car si, à l’origine, l’icône est une image sacrée des pays orthodoxes, au fil du temps, son sens s’est élargi. Image vénérée, figure emblématique ou  » idole « , elle symbolise l’âme profonde d’une époque. L’accrochage proposé par Myriam et Amaury de Solages regroupe plus de cinquante artistes, balaie les époques et les styles, confronte les icônes d’aujourd’hui et d’hier, fourmille d’interrogations et suscite le dialogue. Icône(s) se veut aussi iconoclaste en mêlant des images religieuses (chrétiennes, hindouistes ou bouddhistes), de la bande dessinée, des héros de la mythologie et de l’art contemporain. Icône(s) s’écrit donc au pluriel mais aussi au singulier car leur point commun c’est le pouvoir de l’image, cette  » présence agissante  » qui incarne  » l’âme la plus profonde des hommes « .

Une traduction, superbe, de l’icône est proposée par les artistes invités : Pierre (Commoy) et Gilles (Blanchard). Le premier est originaire de La Roche-sur-Yon, le second vient du Havre. Ils se sont rencontrés à Paris, en 1976, et ne se sont plus quittés. Pierre est photographe, Gilles peint. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le duo travaille depuis toujours de manière artisanale. Dans les années 1970, Photoshop n’existait pas ! Chaque portrait est le fruit d’une mise en scène réfléchie et minutieuse, d’un décor sophistiqué et baroque, baignant dans une richesse chromatique inouïe. Pierre  » shoote  » le modèle, Gilles repeint la photo et en fait une oeuvre d’art unique. Et qui trouve-t-on dans leur galerie de portraits ?  » Saints, personnages bibliques, mythologiques ou historiques, des figures plus contemporaines comme des super-héros de comics, des people ou les héros du quotidien.  » Avec cela, un sens pédagogique bien à eux : « Nous cherchons à embellir, à transcender nos sujets, tout en racontant leur histoire par des détails, sans dérision. Notre oeuvre est à la fois peinture et photographie, nature et artifice, vérité et illusion. On joue sur le factice, tout en cherchant à révéler l’âme de nos sujets.  » Parmi une quinzaine de portraits présentés, on pourra admirer les pièces phares telles la Vierge à l’enfant et Sainte Véronique, incarnées respectivement par les actrices Hafsia Herzi et Anna Mouglalis, le triptyque Rama, Hanuman, Sita, illustrant les divinités indiennes les plus populaires, plusieurs ambassadeurs du  » petit peuple de Paris  » ainsi que les portraits d’Arielle Dombasle et de Stromae,  » notre  » icône nationale.

Pour leur faire écho, toutes les tactiques esthétiques sont envisagées. Le sculpteur autrichien Erwin Wurm, connu pour son humour, fait fondre un gratte-ciel iconique de Mies van der Rohe, l’artiste flamand Wim Delvoye provoque une fois de plus en crucifiant Mickey Mouse, Kendell Geers recouvre de papier alu (symbolisant l’argent) des images religieuses. Dans cet univers fascinant et forcément métissé, on trouve aussi de superbes oeuvres anciennes, tels l’icône L’hospitalité d’Abraham (fin XVIIe – début XVIIIe) ou le portrait anonyme des évêques vénitiens du XVIIIe siècle. Sans oublier des planches originales de BD : Tintin, Gaston Lagaffe… Une première à Maison Particulière !

Icône(s), à Bruxelles, Maison Particulière. Du 23 avril au 5 juillet. www.maisonparticuliere.be

Barbara Witkowska

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