Ici, on fait de l’essence avec votre vieille voiture !

A Châtelet, près de Charleroi, une société spécialisée dans le recyclage a réalisé à sa manière le rêve des alchimistes. Ici, toutefois, on ne transmute pas du plomb en or, mais on fabrique de l’essence avec… des débris de voiture.

Al’entrée de Châtelet, en venant de Charleroi, les bords de la Sambre ont des allures de zone sinistrée. Sur quelques hectares, des entreprises spécialisées dans la collecte et le traitement des déchets génèrent un ballet incessant de camions et de véhicules divers qui vomissent leur chargement à longueur de journée. çà et là, des montagnes de pneus, de ferrailles ou de gros électroménagers s’élèvent vers le ciel. C’est pourtant dans ce décor peu attrayant que Comet Traitements achève discrètement de mettre au point un procédé pour lequel la Région wallonne et divers partenaires ont investi près de 7 millions d’euros et créé une douzaine d’emplois. Nom de code : Phoenix. Objectif : produire du carburant avec les déchets de plastique, les bouts de durite, les mousses, les tissus et même… la poussière extraits de la carcasse de votre vieille voiture ! Un projet fou ? Pas du tout si l’on en juge les résultats acquis au bout de dix-huit mois de recherche et développement : non seulement, ça fonctionne, mais les initiateurs entament à présent la phase pré-industrielle avec la construction d’une unité pilote.

L’aventure a commencé en 2006 lorsque les responsables de la société ont découvert dans la presse l’existence de Marcello Fieni, un technicien d’origine italienne installé à Tournai. Décrit comme un touche-à-tout de talent, l’homme cherchait des fonds pour mettre au point un procédé de conversion d’emballages plastiques en hydrocarbures.  » Les activités de notre société s’articulent autour du traitement, de la valorisation et du recyclage des résidus issus du broyage de matières métalliques, explique Pierre-François Bareel, responsable R&D chez Comet Traitements. En soi, l’invention ne nous intéressait pas au premier chef puisqu’elle concernait les plastiques d’emballage. Par contre, le concept nous a immédiatement séduits et nous avons contacté Marcello Fieni. Après deux années de recherche, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il était possible d’adapter le procédé à notre matière première. Nous avons alors monté un dossier à destination de la Région wallonne et c’est ainsi qu’est né le projet Phoenix, que nous coordonnons et qui regroupe différents partenaires. « 

Des déchets de déchets

Pour comprendre l’intérêt de Comet Traitements, il faut savoir que celle-ci multiplie les recherches pour limiter au maximum les déchets issus du broyage des véhicules hors d’usage, des ferrailles et des déchets d’équipements électriques ou électroniques qu’elle  » consomme  » chaque jour, à raison d’un million de tonnes depuis sa création en 2002. Comme on le lira dans l’encadré ci-dessous, l’entreprise affiche des résultats qui la placent en tête des sociétés belges et européennes du secteur, mais elle veut affiner davantage encore ses techniques. Et ce, d’autant que le dépôt en CET (centres d’enfouissement technique) des ultimes résidus coûte cher.

 » Nous utilisons une technique qui nous permet de récupérer des fractions métalliques jusqu’à 63 microns et même… la rouille des métaux ! Aujourd’hui, nous limitons les résidus non valorisables à 8,7 %, mais notre objectif est d’être en dessous de 5 % en 2015.  » Au vu des tonnages traités, on comprend l’intérêt économique de l’opération. Et c’est ici que le procédé mis au point par Comet Traitements et ses partenaires prend toute son importance. Dans les résidus non valorisables issus du broyage, on trouve en effet des mousses, du plastique, du bois, des textiles et de la poussière qui constituent autant de matières à grand pouvoir calorifique. Ce sont ces  » déchets de déchets  » que les ingénieurs associés dans l’aventure ont réussi à transformer en essence et en diesel.  » L’enjeu est considérable, car lorsque nous passerons à la phase industrielle, ces carburants liquides et gazeux nous permettront, grâce à des moteurs de cogénération, de produire de l’électricité, du gaz et même un résidu de carbone qui intéresse les sidérurgistes en tant que charbon de substitution. L’électricité produite sera en partie utilisée sur nos deux sites de Châtelet et d’Obourg [NDLR: les broyeurs de 3 000 et 7 000 chevaux sont très gourmands en énergie] et l’excédent sera disponible pour le réseau. Idem pour le gaz. « 

Quand on sait que les résidus valorisables grâce au procédé représentent un volume de 5 millions de tonnes par an en Europe, on imagine que l’invention belge pourrait rapidement intéresser bien d’autres marchés.  » Actuellement, nous transformons 2 kilos de matière à l’heure et les résultats sont tels que nous allons nous atteler à la construction d’une unité pilote capable de traiter 100 kilos à l’heure. Dans 18 mois, nous passerons à la phase industrielle, avec pour objectif la fabrication de 22 millions de litres de carburant par an et 8 millions de mètres cubes de gaz à l’horizon 2015 « , conclut Pierre-François Bareel.

FRANCIS GROFF

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