Huy : vrais tracts, faux rapport

Le PS de Huy a escamoté un rapport sur l’affaire des tracts électoraux distribués pendant les heures de service. Trop compromettant pour le clan Lizin ? Au ministre Courard d’apprécier. Ou de transmettre à la justice.

Comment Philippe Courard compte-t-il s’échapper de ce guêpier ? C’est lui, le ministre wallon des Affaires intérieures, qui doit trancher le cas Anne-Marie Lizin , cette autre figure de proue du PS. Courard, l’adepte de la  » nouvelle gouvernance « , si prompt naguère à exiger du Carolo Jean-Claude Van Cauwenberghe qu’il  » fasse un pas de côté « . L’homme de confiance d’Elio Di Rupo, président du PS, exerce la tutelle sur les 262 villes et communes de Wallonie. C’est à ce titre qu’il  » instruit  » depuis plusieurs semaines un dossier aussi symbolique que politique. A Huy, en juin 2007, des fonctionnaires communaux ont-ils distribué, pendant leurs heures de service, des tracts électoraux d’Anne-Marie Lizin, candidate aux communales et, à l’époque, présidente du Sénat et bourgmestre de la cité mosane ? Y a-t-il eu confusion entre le bien de la ville et celui de la bourgmestre ? L’affaire et d’autres encore font grand bruit depuis la diffusion d’une séquence du JT de la RTBF, à la fin de décembre. On y voit des fonctionnaires hutois distribuer ces tracts sur des marchés de Charleroi et environs. Première ligne de défense : les militants étaient en congé. Argument peu convaincant : le registre des présences indique le contraire ( lire Le Vif/L’Express du 25 janvier).

Aujourd’hui, le ministre Courard doit établir la part du vrai et du faux. Joli capharnaüm ! A Huy, Lizin a été désavouée par d’autres mandataires socialistes, et des médiateurs du parti peinent à colmater les brèches. L’allié libéral se tait malgré les mâles appels du président Didier Reynders, qui prétend  » mettre fin à la gestion calamiteuse d’Anne-Marie Lizin « . Quant à l’opposition Ensemble (CDH – au pouvoir avec le PS à la Région wallonne -, Ecolo et indépendants), elle met de l’huile sur le feu en évoquant la manipulation et le maquillage des faits.

Tous, majorité et opposition confondues, ont été réunis au sein d’une  » commission spéciale  » créée par le conseil communal de Huy, voici deux mois. Objectif : aider Courard. Le lundi 25 février, les uns et les autres (4 PS, 1 MR et 3 Ensemble) se retrouvent une sixième fois pour peaufiner un texte dense, alignant des faits et des déclarations. Entre les lignes de ce document que nous avons pu lire, portant la griffe du secrétaire communal Michel Borlée (étiqueté PS), les constatations sont sévères. Sur les tableaux de présence, des agents communaux se sont contredits de manière flagrante. Ils indiquent avoir travaillé… à l’heure où ils distribuaient des tracts entre le 4 et le 8 juin 2007. Pour les mêmes heures prestées, des feuilles de récupération sont aussi évoquées, alors qu’on n’en trouve aucune trace matérielle.

Le rapport en question était-il trop dangereux pour l’  » équipe  » Lizin ? Trop compromettants, les passages laissant entendre que le secrétariat personnel de la bourgmestre battait le rappel des troupes ? En quelques heures, le mardi 26 février, le PS change alors de version. L’entourage de Lizin recycle en solo un autre texte, accepté du bout des lèvres par le commissaire MR… brillant par son absence le jour de l’ultime réunion de conciliation. Cette version d’inspiration socialiste est plutôt édulcorée :  » La commission ( sic) ne constate aucune volonté manifeste d’irrégularités dans quelque service que ce soit.  » Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes…

Entre les deux copies, le ministre Courard jugera. Il peut sanctionner Lizin : une suspension allant jusqu’à trois mois, voire la déchéance de son mandat de mayeur,  » si une inconduite notoire ou une négligence grave peut être démontrée  » ; mais cela paraît excessif. A l’inverse, il peut s’en laver les mains, au risque d’apparaître complaisant. Ou… transmettre le brûlot à la justice. Parmi les pièces d’un dossier qui s’étoffe figure ce SMS d’un agent communal, apeuré, à son patron :  » Dois-je dire la vérité ?  » l

Philippe Engels

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